Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 41

Patrick Troude- Chastenet
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sa thèse et le Front populaire. L'arrivée au pouvoir de la gauche le remplit d'espoir
et il crut fermement que l'heure de la révolution venait enfin de sonner. C'est du
reste la seule fois où il avoua avoir voté10
attentes suscitées.
. La déception fut proportionnelle aux
III - UN PROFESSEUR AUX CHAMPS
Il obtint un poste de chargé de cours à la faculté de droit de Montpellier à
l'automne 1937. Comme il ne se plaisait pas dans cette université, il demanda
et obtint sa mutation à Strasbourg à la rentrée suivante. Alors que professeurs et
étudiants de la faculté alsacienne s'étaient repliés à Clermont- Ferrand pour cause
de guerre, Ellul se permit d'exprimer publiquement ses craintes quant au risque
d'enrôlement de force des jeunes Alsaciens dans l'armée allemande et ses réserves
à l'égard des intentions du maréchal Pétain. Dénoncé par l'un de ses élèves, il
fut alors révoqué par le gouvernement de Vichy en qualité de fils d'étranger.
Durant l'été 1940, privé d'emploi et marié à une Britannique qui lui donna quatre
enfants, il se réfugia dans une ferme isolée de l'Entre- deux- Mers, en Gironde, où
il s'improvisa agriculteur pour nourrir sa famille. Ellul confia avoir tiré autant de
fierté d'avoir récolté sa première tonne de pommes de terre que d'avoir réussi le
concours d'agrégation de droit romain et d'histoire du droit en 1943. Il participa
à la Résistance sans toutefois prendre les armes. Il servit d'agent de liaison pour
plusieurs maquis, cacha des prisonniers évadés, des étrangers ou des juifs, leur
procura de faux- papiers et les aida à passer en zone libre. Nommé professeur à la
faculté de droit de Bordeaux à l'automne 1943, il y enseigna jusqu'en 1980, année
de son départ en retraite. À la Libération, en tant que secrétaire général du MLN de
la région bordelaise, il siégea à plusieurs procès de la Collaboration. Il participa à la
délégation municipale de Bordeaux, présidée par un socialiste, Fernand Audeguil,
d'octobre 1944 à avril 1945. Cette brève expérience le confirma dans l'idée que les
élus étaient à la merci des « bureaux » et que la politique était impuissante face à la
technique. En désaccord avec la SFIO, il refusa de se présenter sur la liste socialiste
aux municipales de 1945. En revanche, il participa activement à la campagne pour
les élections législatives d'octobre, en troisième position sur la liste de l'UDSR qui
obtint moins de 5 % des suffrages en Gironde. À trente- trois ans, lui qui rêvait de
passer « De la résistance à la révolution » selon le mot d'ordre de Combat, assista,
impuissant, au retour en force des vieux partis traditionnels.
10. J. Ellul, P. Chastenet, À contre- courant, Entretiens, La Table Ronde, coll. La petite vermillon,
Paris, 2014.
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