Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 42

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Jacques Ellul : du droit romain à l'écologie politique
IV - PENSER GLOBALEMENT, AGIR LOCALEMENT
Il n'en continua pas moins de vouloir changer radicalement le monde, à partir
de sa foi chrétienne et de sa lecture libertaire de Marx que l'on retrouve dès ses
premiers articles parus dans Réforme à la Libération. Car s'il prit souvent la plume
pour toucher le grand public par le biais de tribunes volontiers polémiques publiées
par Le Monde, Le Quotidien de Paris, Ouest- France et Sud- Ouest, c'est à la presse
protestante en général et à Foi et Vie - dont il fut directeur de 1969 à 1986 - en
particulier qu'il réserva l'essentiel de son activité journalistique. Dans La Technique
ou l'enjeu du siècle (1954), il démontra que la technique moderne était devenue un
processus autonome obéissant à ses propres lois. Sa traduction en langue anglaise
en 1964 lui assura une belle notoriété sur les campus américains si l'on en juge par
le nombre d'étudiants californiens venus assister à ses cours à l'Institut d'études
politiques de Bordeaux pendant près de deux décennies. Avec l'éducateur Yves
Charrier, il fonda en 1958 l'un des premiers clubs de prévention de la délinquance
juvénile. Son livre Propagandes (1962) le fit remarquer des chefs de file de l'Internationale
situationniste dont Guy Debord avec qui il entretenait déjà de bonnes
relations11
. Aux lendemains des événements de mai 68, il présida en alternance
avec Charbonneau le comité de défense de la côte aquitaine qui s'opposa aux divers
projets d'aménagement gouvernementaux. Durant les années 1970, il anima des
groupes de non- violents auxquels participa notamment le futur contempteur de la
« malbouffe » : l'altermondialiste José Bové. Il apporta son soutien aux objecteurs
de conscience et aux militants antimilitaristes. Il témoigna dans plusieurs procès
d'insoumis déférés devant le tribunal permanent des forces armées. En 1976, aux
côtés de son ami Édouard Kressmann, il présida aux destinées de l'association
écologique européenne Ecoropa. Corédacteur en 1979 d'un manifeste européen
pour une démocratie écologique, il désapprouva la création du parti Les Verts au
nom d'une vieille conception anarcho- syndicaliste selon laquelle la cause écologiste
n'avait rien à gagner à entrer dans l'arène électorale. Jusqu'à sa mort, il préféra
les initiatives locales, les mouvements sociaux et le combat associatif à l'illusion
politique. Ses livres inspirèrent tant les chrétiens que les agnostiques, en particulier
au sein des cercles anarchistes, altermondialistes, écologistes et décroissantistes.
Parmi les prix, distinctions et décorations dont il fit l'objet nous signalerons qu'il
fut reconnu post- mortem « Juste parmi les nations », en 2001.
11. G. Debord, Correspondance, vol. 2, sept. 1960-déc. 1964, Fayard, Paris, 2001, p. 152-53, 176-78,
269 ; Cf. aussi les références élogieuses de l'Internationale situationniste, n° 8, janv. 1963, p. 7 à propos
du livre Propagandes.

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