Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 51

Patrick Troude- Chastenet
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là des concepts vidés de leur sens pour y avoir consacré des ouvrages entiers et ce
chapitre provoquera d'ailleurs rancœur et déception chez nombre de ses lecteurs.
Malgré tout, il observe des transformations dans le système technicien et dans le
socialisme. Nous y reviendrons plus en détail. Mais précisément, que peut encore
la politique face à la technique ?
X - L'ILLUSION POLITIQUE
Quelles sont les conséquences, dans le champ politique, de la recherche de
l'efficacité à tout prix, du primat des moyens sur les fins ? Quel est le résultat
provoqué par la combinaison du fait étatique et de la puissance technicienne ?
Dans la société technicienne, l'homme croit se servir de la technique mais c'est
lui qui la sert. L'homme moderne est devenu l'instrument de ses instruments. Le
moyen s'est transformé en fin, la nécessité s'est érigée en vertu ! Nous vivons non
pas dans une société « post- moderne » mais dans une société « technicienne », c'està-dire
une société dans laquelle un système technicien s'est installé. Or cette société
vivante tend de plus en plus en plus à se confondre avec le « système technicien » :
produit de la conjonction du phénomène technique et du progrès technique.
Mais il faut préciser que pour Ellul, la société technicienne n'est pas réductible
au système technicien et qu'il existe des tensions entre les deux. Le « système »
technicien est à la société technicienne ce que le cancer est à l'organisme humain.
L'existence de ces tensions permet justement de garder espoir en un changement
possible, changement radical mais qui ne saurait emprunter les voies de l'illusion
politique, c'est- à-dire celles de la politique traditionnelle ! « L'engagement,
c'est la mise en gage33
», résume- t-il d'une formule d'inspiration anarchiste. Le
militantisme partisan relève plus de la coagulation sociologique que de la liberté
personnelle. Dans la société technicienne, les gouvernants s'agitent pour conserver
les apparences d'une initiative abandonnée en réalité aux experts. Avec des accents
très wébériens, Ellul stigmatise l'évacuation du politique par le fait bureaucratique.
Il constate l'inversion du modèle démocratique d'une administration soumise à
l'autorité des élus, avec désormais l'efficacité comme seul critère de légitimation. La
société technicienne implique par ailleurs une confusion du politique et du social.
La politique s'est substituée à la religion, l'État moderne a pris la place de Dieu !
« Tout est politique », expression à la fois « d'une idéologie et de cette réalité » selon
laquelle le corps social tout entier est absorbé par le politique. Cette politisation
du social conduit nécessairement au totalitarisme de l'État. L'État est totalitaire,
33. J. Ellul, L'illusion politique, coll. Pluriel, Paris, 1977, p. 239.

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