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Jacques Ellul : du droit romain à l'écologie politique
« Le concept de totalitarisme appliqué à tous les États n'a de sens, chez l'auteur,
que par rapport à une conviction religieuse (...)40
».
XII - LES TERRORISTES SONT DES NAZIS
L'arrière- plan métaphysique de sa pensée politique joue dans deux sens contradictoires.
On peut tout aussi bien focaliser son attention sur la description hostile
et péjorative de cette dimension de l'activité sociale ou souligner, au contraire,
le rôle positif du chrétien dans sa présence au monde moderne. Cette vision
caricaturée de la politique, réduite au domaine du « Malin » et de la vanité est
exprimée notamment au cours de deux colloques internationaux41
, mais aussi dans
son exégèse de l'Ecclésiaste. C'est à Rome, dans le cadre d'un colloque intitulé
« Religion et politique » où il s'adressait à un cénacle de spécialistes de la Bible,
qu'il défendit la thèse selon laquelle « dans notre monde occidental actuel, la
politique c'est l'incarnation la plus profonde du mal ». La politique est devenue
« le lieu du démoniaque, le lieu du mensonge, le lieu de la puissance42
». Le propos
est identique à Paris lors du colloque des intellectuels juifs de langue française :
« L'essence politique reste la même, et je dis qu'en ce monde- ci, en ce tempsci,
elle est démoniaque43
». L'homme moderne se trouve coincé entre les deux
mâchoires d'un étau. S'il se réfugie dans l'apolitisme, l'État devient son destin et
en se désintéressant de la politique il joue le jeu de « la divination démoniaque de
l'État ». S'il plonge dans l'engagement militant, il baigne dans le milieu des idéologies
rivales, celui du diabolos du Nouveau Testament c'est- à-dire le diviseur et
il accentue alors la « diabolique politique ». De la même façon que l'on a pu relire
l'œuvre de Marx au prisme du Goulag, Ellul essaie d'interpréter l'essence de la
politique moderne à l'aune du terrorisme des années 1970 en Europe. Après avoir
pris soin de peser ses mots, il en arrive à la conclusion que « tous les terroristes sont
40. É. Dravasa, C. Emeri, J.-L. Seurin, Religion, société et politique, Mélanges en hommage à Jacques
Ellul, PUF, Paris, 1983, p. XIII.
41. J. Ellul, « La politique moderne : lieu du démoniaque », Religion et politique, actes du colloque
« Religion et politique », Aubier- Montaigne, p. 101-122 ; repris in Cahiers Jacques- Ellul, n° 5, La Politique,
L'Esprit du Temps, Le Bouscat, 2008.
42. J. Ellul, « Politique moderne », Actes du XXe
colloque des Intellectuels Juifs de langue française
Politique et religion, 24-26 nov. 1979, Idées/Gallimard, Paris, 1981. Il y définissait la politique comme
l'ensemble des moyens pour conquérir, exercer et conserver le pouvoir.
43. Jean- Louis Seurin fait remarquer à juste titre qu'en régime démocratique la politique ne se réduit
pas à la volonté de puissance mais qu'elle est aussi recherche de l'ordre équitable in « Religion et politique
à la lumière de la Bible selon Jacques Ellul », Foi et Vie, n° 5-6, déc. 1994.
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