Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 65

Patrick Troude- Chastenet
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avec la révolution prolétarienne et que la condamnation biblique de Mammon
ne se réduit pas à la lutte anticapitaliste. Ellul place la personne au centre de sa
réflexion, conformément à ses convictions personnalistes et anarchistes sur le plan
séculier et à son point de vue christologique au plan théologique. En conclusion,
il importe peu de savoir si Jacques Ellul doit être labellisé chrétien anarchiste ou
anarchiste chrétien, mais de comprendre que sa façon d'être à la fois chrétien et
anarchiste illustre parfaitement la tension permanente qui anime son œuvre et sa
vie. Toujours à contre- courant des pensées paresseuses, éternel étranger parmi les
siens, incarnation vivante de l'altérité, anarchiste parmi les Réformés et chrétien
aux yeux des anarchistes et des situationnistes, trop protestant dans un pays passé
de l'ultramontanisme catholique au laïcisme sectaire, marginal dans sa propre
Église et solitaire parmi les minoritaires. En substance il nous dit que l'instance
politique est à prendre au sérieux et en même temps à relativiser. L'aveuglement
militant est condamnable au même titre que l'apolitisme béat. Il faut désacraliser
le politique. Ellul nous invite à l'engagement dans le détachement, c'est- à-dire à
vivre non pas à l'écart mais à distance des luttes de la Cité69
.
Enfin, pour clore ce panorama de la pensée ellulienne, il faudrait pouvoir
aborder ou approfondir certains thèmes mentionnés ici sous forme d'abécédaire :
l'anarchie (Anarchie et christianisme, 1989) ; l'Apocalypse (Conférence sur l'Apocalypse
de Jean, 1985) ; l'Argent (L'Homme et l'argent, 1953) ; l'Art (l'Empire du
non- sens. L'art et la société technicienne, 1980, 2021) ; la Bourgeoisie (Métamorphose
du bourgeois, 1967) ; le christianisme (La Subversion du christianisme, 1984), le
conformisme (Exégèse des nouveaux lieux communs, 1966) ; Dieu (la moitié de
son œuvre), la délinquance juvénile (Déviances et déviants, 1992), le droit (Le
Mancipium, sujet de sa thèse de droit romain, Le Fondement théologique du droit,
1946) ; l'Ecclésiaste (sans doute l'un de ses plus beaux livres : La Raison d'être.
Méditations sur l'Ecclésiaste, 1987, 2016), l'Espérance (L'Espérance oubliée, 1972),
l'éthique (Le Vouloir et le faire. Recherches éthiques pour les chrétiens, 1964, 2013 ;
L'Éthique de la Liberté, tomes 1 et 2, 1973-1981) ; la Foi (La Foi au prix du
doute, 1980), la Genèse (La Genèse aujourd'hui, 1987) ; l'histoire (Histoire des
institutions, 1951-1979) ; l'Image (La Parole humiliée, 1981) ; l'islam (Islam et
judéo- christianisme, 2004), Israël (Un chrétien pour Israël, 1986 ; Israël, chance de
civilisation, 2008), le journalisme (il ne répugnait pas à descendre dans l'arène des
colonnes du Monde, de Sud- Ouest, de Combat nature ou de Réforme) ; la liberté
(Les Combats de la liberté, 1984, Vivre et penser la liberté, 2019, La loi de liberté,
2020 mais surtout l'intégralité et le sens même de son œuvre) ; Marx (Autopsie
de la révolution, 1969) ; ses cours sur le marxisme (La Pensée marxiste, 2003) et
69. P. Troude- Chastenet (dir.), La Politique, L'Esprit du temps/PUF, coll. Cahiers Jacques- Ellul, Le
Bouscat, 2008.
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