Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 73

Aurélie Bergeaud- Wetterwald et Évelyne Bonis
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En revanche, cette doctrine dont Vizioz cite les plus éminents représentants n'a
jamais su se défaire du carcan de la méthode analytique. « L'influence de l'École
de l'exégèse s'est exercée ici plus longtemps qu'ailleurs », écrira- t-il en 1944 dans la
préface de l'ouvrage de Brulliard22
, regrettant alors qu'en imposant ses méthodes,
elle ait étouffé toute tentative de construction doctrinale. Vizioz admet volontiers
que l'approche exégétique est une réaction naturelle du juriste face à « un monument
nouveau », en l'occurrence le Code de procédure civile de 1806. Mais cette
méthode d'analyse ne devrait être, selon lui, qu'une étape provisoire. Il reproche
alors à la doctrine de la fin du xixe
et du début du xxe
siècle de s'être enferrée dans
le commentaire technique de la loi et l'étude du formalisme judiciaire.
Il est vrai que le Code de 1806, conçu et construit comme un long inventaire
de formalités, n'était pas naturellement propice à l'approche théorique. « Copie
trop servile de l'ordonnance de 1667 et de la pratique de Châtelet de Paris »23
, il
s'agit avant tout d'un code technique, d'un code de praticiens, ce qui lui vaudra
le sobriquet de « code de procéduriers ». Mais Vizioz ne critique pas le code luimême
; d'autres - notamment Tissier24
le fait que la doctrine processualiste, suivant la lettre et le plan chronologique du
code, se soit enfermée dans le cercle étroit du commentaire détaillé des textes,
commentaire qu'il considère comme un « produit de qualité inférieure »25
. Les
lois de procédures se contentant de réglementer les formes, les actes et les délais,
l'analyse doctrinale de la procédure civile se réduit alors à une étude contemplative
du formalisme judiciaire26
.
Comprendre la richesse de la procédure. - Pour Vizioz, il y a pourtant
dans la procédure autre chose que des problèmes de forme. Si l'instance est une
succession d'actes juridiques, il est nécessaire d'en comprendre la nature et les
conditions de fond comme on le fait pour les actes juridiques en droit civil et
commercial27
. Comment identifier correctement les conditions d'une action en
justice sans déterminer au préalable les caractères et la nature même de l'action ?
- s'en sont chargés avant lui. Il critique
22. H. Vizioz, préface du livre Procédure civile de Germain Brulliard, in Études de procédure, p. 165.
23. E. Garsonnet, Traité théorique et pratique de procédure, 2e
éd., T. II, Paris, 1898-1904, p. 241.
24. Tissier présentait le Code de 1806 comme une œuvre imparfaite « qui était déjà bien vieille en
naissant ». A. Tissier, « Le centenaire du Code de procédure et les projets de réforme », RTD civ. 1906,
p. 625 et s. Voir également, sur la critique du caractère purement formaliste du code, E. Glasson, « La
codification en Europe au xixe
parlementaire 1895, p. 201.
25. « Observations sur l'étude de la procédure civile », op. cit., p. 7.
26. Il cite notamment Boitard (Leçons de procédure civile, 12e
27. « Observations sur l'étude de la procédure civile », op. cit., p. 11.
éd., 1876).
siècle : état de la question en France et à l'étranger », Revue politique et
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