Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 76

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Henri Vizioz et l'épanouissement de la procédure civile
d'action, de juridiction et d'instance. C'est dans cette perspective qu'il va publier,
en 1931, un second article fondateur sur « Les notions fondamentales de la procédure
et la doctrine française du droit public ». Dans cette longue étude de plus de
110 pages, il analyse avec soin les positions de la doctrine publiciste depuis la fin
du xixe
siècle et plus particulièrement celles de Carré de Malberg, Jèze, Duguit
et Hauriou, en structurant son propos autour de la trilogie désormais classique :
théorie de la juridiction, théorie de l'action et théorie de l'instance39
.
Même s'il reconnaît que cette doctrine est moins guidée par des préoccupations
d'ordre procédural que par une réflexion sur l'organisation de l'État, il y trouve
l'expression d'une vigueur intellectuelle et d'une libre recherche scientifique40
.
Cette recherche en effet n'est entravée ni par le carcan d'un code formaliste, ni
par le poids des conceptions traditionnelles.
Parce qu'elle se rattache à la théorie de l'État, c'est essentiellement la théorie
de la juridiction qui est mise à l'honneur dans les travaux des publicistes. Par le
biais d'une analyse critique - y compris sur la position de son collègue Duguit
qu'il trouve trop hésitante41
- Vizioz fait émerger la nature de la fonction juridictionnelle
(trancher une prétention d'ordre juridique) et les critères de l'acte
juridictionnel (une constatation ayant force de vérité légale).
La doctrine publiciste va également exercer une influence déterminante sur
sa manière de percevoir la notion d'action en justice. À l'époque, la doctrine
dominante en procédure civile, influencée depuis plus d'un demi- siècle par
Demolombe42
litigieux43
, envisage l'action comme un simple aspect du droit substantiel
, ce qui est pour Vizioz non seulement incohérent mais incompréhensible.
Il écrira à ce titre que la notion d'action est « le fruit d'une analyse insuffisante
acceptée sans contrôle »44
pour mieux souligner le fait que l'absence de théorisation
crée la confusion. C'est cet effort de conceptualisation qu'il va trouver chez les
publicistes. Duguit combat lui aussi l'assimilation traditionnelle de l'action et
du droit litigieux45
. Mais hostile aux analyses subjectivistes, il combat également
39. Dès 1927, il affirmait que l'étude du droit de la procédure ne peut progresser qu'en s'appuyant
sur ces trois théories fondamentales (« Observations sur l'étude de la procédure civile », op. cit., p. 13).
40. « Les notions fondamentales de la procédure et la doctrine française du droit public », op. cit., p. 54.
41. Ibid., p. 88.
42. C. Demolombe, Cours de Code Napoléon, 3e
éd., t. IX, Durand et Pédone, Paris, 1866, n° 338 :
« L'action c'est le droit lui- même en mouvement ; c'est le droit à l'état d'action, au lieu d'être à l'état
de repos ».
43. V. notamment P. Cuche, Procédure civile et commerciale, 9e
éd., Dalloz, Précis, Paris, 1946, n° 127 :
« L'action, c'est le droit qui est passé de la puissance à l'acte ».
44. « Observations sur l'étude de la procédure civile », op. cit., p. 35.
45. L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, 3e
éd., t. I, p. 476, cité par H. Vizioz, op. cit., p. 133.
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