Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 80

Henri Vizioz et l'épanouissement de la procédure civile
longue maturation aboutira à l'édification d'un code65
74
totalement novateur,
rompant définitivement avec une vision strictement formaliste. Le plan du code
n'est pas conçu comme un catalogue de formalités procédurales mais suit un ordre
rationnel. Sa principale caractéristique est de s'ouvrir sur des principes directeurs
qui définissent la philosophie et la physionomie de tout procès civil. L'élaboration
du nouveau Code est en cela une œuvre résolument scientifique. S'il est communément
admis que ces principes portent largement l'empreinte motulskienne, on
notera tout de même que cette idée de « principes directeurs » était déjà en germe
dans les travaux de Vizioz66
.
L'influence doctrinale se mesure également dans le souci de mettre au clair des
notions fondamentales de procédure. Tel est le cas notamment de la très controversée
notion d'action en justice. Reprenant l'analyse développée par Motulsky67
,
l'action est définie à l'article 30 du Code comme un droit subjectif autonome, « le
droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle- ci afin
que le juge la dise bien ou mal fondée ». Conformément à la théorie développée
par Vizioz, l'action est ainsi clairement distinguée, d'une part, du droit substantiel
dont le demandeur cherche à obtenir la reconnaissance et, d'autre part, de la
demande en justice. Cependant, ce n'est pas la définition retenue par Vizioz dans
ses études, celle d'un pouvoir légal, objectif et permanent, qui est ici légalement
consacrée. Pourtant, malgré la lettre du Code, une partie de la doctrine contemporaine,
pointant les ambiguïtés que recèle la définition de l'article 3068
de s'appuyer sur cette définition objective de l'action69
, continue
.
Le droit du procès, nouvel objet d'étude. - Ce qu'il faut surtout retenir,
au- delà des divergences doctrinales sur telle ou telle notion, est que la procédure
civile est devenue un objet propice à la théorisation, bien davantage que les
procédures pénale et administrative. Il n'est évidemment pas question de faire ici
l'inventaire des travaux marquants de la doctrine contemporaine mais on ne peut
que constater que la recherche universitaire en la matière s'est largement épanouie
au travers de thèses, de colloques, d'articles, d'ouvrages et de manuels. La « fâcheuse
réputation » pointée par Vizioz a laissé place à une considération réelle au sein du
milieu académique, le droit du procès civil étant devenu une discipline autonome
65. Les propositions de la commission de réforme vont inspirer quatre décrets : n° 71-740 du 9 sept.
1971, n° 72-684 du 20 juill. 1972, n° 72-788 du 28 août 1972, n° 73-1122 du 17 déc. 1973. Un décret
de codification du 5 décembre 1975 permettra l'entrée en vigueur du nouveau Code le 1er
janvier 1976.
66. Études de procédure, pp. 441 et s.
67. H. Motulsky, « Le droit subjectif et l'action en justice », Arch. philo. dr., Tome IX, Sirey, Paris,
1964, pp. 215 et s.
68. V. notamment, G. Wiederkehr, « La notion d'action en justice selon l'article 30 du nouveau Code
de procédure civile », in Mélanges P. Hébraud, Univ. sc. soc. Toulouse, 1981, p. 949 et s.
69. C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, op. cit., n° 147, p. 129.
Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ?

Table des matières de la publication Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ?
