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L'acte et le fait juridiques chez Bonnecase
le Rechtsgeschäft, traduit par la locution « acte juridique », soit une notion encore
inconnue, en tant que telle, en droit français positif7
. Confrontée à des idées
nouvelles, la doctrine civiliste française est en proie au doute : le code Napoléon,
déjà âgé, est- il par trop lacunaire ou au contraire suffisamment outillé ?
Dans le système de droit civil hérité de Domat et Pothier, le contrat occupe une
place centrale, en tant que source d'obligations8
. Il n'est question que d'accords de
volontés ; une volonté isolée ne peut rien créer, tout du moins ne peut pas créer
d'obligation9
et ne peut donc pas être placée sur le même plan que le contrat.
Quant aux autres sources d'obligation, le code Napoléon les désigne de manière
négative, à travers la catégorie des « engagements qui se forment sans convention ».
Le schéma est très différent en Allemagne où depuis le milieu du xviiie
à partir de l'analyse des sources du negotium juridicum du droit romain10
siècle,
, les
pandectistes ont mis en lumière le rôle joué par les volontés individuelles. Ils ont
identifié le concept d'acte juridique, qui désigne l'opération juridique abstraite,
et la ou les déclarations de volonté (Willenserklärung) qui s'y agrègent. L'acte
juridique, en tant que catégorie générale, embrasse des actes aussi variés que la
vente, le testament ou la résiliation du contrat11
. Une catégorie plus large encore
est identifiée, celle des faits juridiques. Elle inclut, outre les actes de volonté, les
circonstances accidentelles dont découlent des conséquences juridiques. Le BGB
n'en fait pas état en tant que telle, mais la notion de fait juridique est bien un
acquis de la construction théorique allemande au moins depuis Savigny12
.
la fin du xixe
La doctrine française va recevoir ce mouvement d'idées venu d'Allemagne dès
siècle. La réflexion porte alors essentiellement sur l'acte juridique.
Les contributions aussi nombreuses que variées viennent des représentants de
l'école moderne de droit civil, ceux capables de raisonner « au- delà du code »13
(Saleilles, Planiol, Capitant, Demogue) ainsi que d'auteurs de droit public (Duguit,
Hauriou, Jèze). En dégageant des « catégories, modes de raisonnement et procédés
7. Sur les origines du concept V. B. Moron- Puech, Acte juridique ou Contrat ?, Paris, 2016 (https://
hal.archives- ouvertes.fr/tel-01384293), n° 12 et s.
8. R. J. Pothier, Traité des obligations, éd. Debure l'ainé, Paris, 1761, spéc. p. 6.
9. Sur la question de la volonté unilatérale comme source d'obligation et l'influence de la doctrine
allemande sur ce point v. R. Demogue, Traité des obligations en général, t. 1, Librairie Arthur Rousseau,
Paris, 1923, n° 18.
10. R. Sacco, « Acte juridique et rechtsgeschäft », in De tous horizons, Mélanges Xavier Blanc- Jouvant,
Société de législation comparée, 2005, p. 647 et s.
11. V. J. F. Stagl, « La réception de la théorie de l'acte juridique (Rechtsgeschäft) en Autriche grâce à
Josephe Unger », in Traditions savantes et codifications, Faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers,
2007, p. 188 et s.
12. M. F. C. Savigny, Traité de droit romain, t. III, traduit de l'Allemand par Guenoux, 1843, p. 5 et s.
13. Ph. Remy, « Planiol : un civiliste à la Belle Époque », RTD civ. 2002, p. 31 et s., spéc. § 6 et 22.
http://https:// http://www.ouvertes.fr/tel-01384293
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