Hors collection - Les États d'exception, un test pour l'État de droit (Revue du Droit Public - Numéro spécial) - 302

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ELEONORA BOTTINI
laquelle elle est en profond désaccord. De plus, si dans la distinction classique
entre responsabilité politique et juridique la faute fonde la seconde
mais pas la première (le désaccord politique étant le déclencheur des actions
parlementaires), dans le cadre de l'urgence sanitaire, il semble toutefois que
la mauvaise gestion des affaires publiques reprochée aux gouvernants repose
ultimement sur l'idée de faute (politique). On peut alors se demander si
la responsabilité politique s'épuise en l'obligation pour ceux-ci de rendre
compte de leur gestion du pouvoir, à travers par exemple la mise en place
d'une commission d'enquête, ou si une sanction doit être prévue, et quelle
doit être la nature de celle-ci.
Le Royaume-Uni montre à l'inverse de la France une tendance à la judiciarisation
marginale, du fait du caractère ordinaire de la justice pénale pour les
ministres, qui les rend peu susceptibles d'y être confrontés.
B. - La justice pénale ordinaire pour les ministres au Royaume-Uni,
un mécanisme marginalisé
Le cas du Royaume-Uni est particulièrement intéressant s'agissant de
l'écart des premières réactions politiques face à la pandémie avec le reste
de l'Union européenne. Après la déclaration par l'Organisation mondiale
de la santé du 30 janvier 2020 qualifiant le coronavirus d'« urgence de
santé publique de portée internationale », le gouvernement britannique n'a
pas immédiatement pris des mesures strictes. Misant sur l'« immunité de
groupe » (39) à la place de mesures de confinement et de fermeture des
lieux, le gouvernement dirigé par Boris Johnson a fait un choix à contrecourant
des autres pays, qui a conduit probablement au record de décès du
printemps 2020, plaçant le Royaume-Uni en haut du pic de mortalité due
au virus en Europe. Ainsi, la question s'est rapidement posée dans le débat
public de savoir si l'inaction de l'exécutif pouvait être mise en cause et
le cas échéant sur quel plan. S'agissant de la perte de vies humaines, le
cadre pénal a semblé adapté à certains, mais très difficile à mettre en œuvre
vis-à-vis des ministres (40). Il convient à nouveau de s'interroger sur la responsabilité
adaptée aux gouvernants dans le cadre de la crise sanitaire : la
responsabilité pénale est-elle la forme de responsabilité la plus adaptée pour
les décisions politiques prises en réaction de la pandémie, ou s'agirait-il
d'une façon détournée d'engager leur responsabilité politique, comme dans
le cas français ? Le cas des États-Unis, malgré la grande différence de
régime, redevient pertinent dans la comparaison, qui a été souvent opérée,
(39) « Ce que la stratégie d'immunité de groupe britannique révèle du gouvernement
Johnson », The Conversation 13 mai 2020.
(40) « Covid-19: Social murder, they wrote - elected, unaccountable, and unrepentant
», BMJ 4 févr. 2021.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° Spécial-2021

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