Hors collection - Les États d'exception, un test pour l'État de droit (Revue du Droit Public - Numéro spécial) - 310

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ELEONORA BOTTINI
de donner l'autorisation nécessaire pour procéder à l'instruction des affaires.
En effet, le tribunal des ministres doit transmettre le dossier à la chambre
compétente - c'est-à-dire à la Chambre des députés ou au Sénat en fonction
de l'appartenance des ministres, ou au Sénat uniquement si le ministre n'est
pas membre du Parlement (71) - qui le transmet à la Commission en charge
de l'autorisation des poursuites. La chambre délibère ensuite à la majorité
absolue des membres au sujet du refus d'autorisation à l'engagement des
poursuites. Ce refus peut être motivé par un ministre ayant agi dans la poursuite
soit d'un « intérêt de l'État d'importance constitutionnelle », soit d'un
« intérêt prééminent dans l'exercice de la fonction gouvernementale ». On a
assisté ainsi à une mutation du rôle du Parlement italien, passé d'accusateur à
défenseur de l'action des ministres (72). L'importance de ce rôle est controversée
et la Cour constitutionnelle a été saisie à plusieurs reprises.
Elle a dû déterminer si le passage par l'autorisation parlementaire pouvait être
contourné, lorsque le tribunal des ministres n'est pas saisi (ou classe l' affaire
car celle-ci ne concerne pas des crimes et délits commis dans l'exercice des
fonctions ministérielles), mais que le tribunal ordinaire décide de poursuivre
les ministres dans le cadre du droit commun. Par un arrêt de 2009 (73), la Cour
a jugé que la chambre parlementaire compétente doit toujours être informée
dès qu'un ministre est mis en cause, y compris du classement d'une affaire
par le tribunal des ministres. En revanche, une telle communication n'implique
pas que la chambre ait à se prononcer sur l'affaire en question. Dans un arrêt
ultérieur, la Cour constitutionnelle (74) a précisé la procédure à suivre en cas
de désaccord sur la nature du crime ou délit dont les ministres sont accusés,
dans l'hypothèse où le juge judiciaire déciderait de poursuivre un ministre
pour un crime ou délit de droit commun, considéré comme « non ministériel »,
mais où le Parlement serait en désaccord avec une telle qualification juridique
des faits. Dans ce cas, les chambres parlementaires ne peuvent prétendre être
informées, mais dès qu'un ministre est mis en cause devant une juridiction
ordinaire, la chambre compétente peut s'adresser à la Cour constitutionnelle en
cas de désaccord sur la qualification des faits, dans le cadre d'une procédure
de conflit d'attribution des compétences. Le juge constitutionnel jugera alors
de la compétence parlementaire pour l'autorisation de poursuivre, c'est-à-dire
ultimement de la nature ministérielle ou non du crime ou délit (75).
(71) Même si ce n'est pas une obligation comme dans le cas du Royaume-Uni, de
fait la plupart des ministres italiens sont membres du Parlement.
(72) Ciancio A., « L'autorizzazione a procedere per i reati ministeriali... », art. cit.
(73) C. const. italienne, 7-9 juill. 2009, n° 241/2009.
(74) C. const. italienne, 18 avr. 2012, n° 88/2012.
(75) « Si, au contraire, la procédure pour une infraction ministérielle n'a jamais été
entamée, malgré le fait que les éléments acquis à la suite de l'instruction effectuée par
le ministre rendaient nécessaire d'entamer une telle procédure, la chambre compétente
peut également s'adresser à la juridiction constitutionnelle, pour défendre l'attribution
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° Spécial-2021

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