Hors collection - Les États d'exception, un test pour l'État de droit (Revue du Droit Public - Numéro spécial) - 5

Présentation
« La pandémie n'est pas une guerre, elle est un test d'humanité », déclare
le président de la République allemande Frank-Walter Steinmeier (1). Et il
faut ajouter, ici, elle est un test pour le droit, pour l'État de droit. Dans la
représentation routinisée et confortée par l'expérience ordinaire du quotidien,
le droit est un ensemble de règles qui ont pour objet d'organiser le comportement
et les relations des personnes physiques et des personnes morales dans
les différentes sphères de leurs activités sociales. Les relations entre membres
de la famille, entre clients et commerçants, entre salariés et employeurs, entre
États ne sont pas laissées au libre arbitre de chacun mais doivent se conformer
aux règles posées dans le Code civil, le Code du commerce, le Code du
travail, la Charte de l'ONU... Le droit a pour ambition de normer les comportements.
Et, dans les secteurs où il n'est pas encore ou peu - la mondialisation
économique, le numérique, la cybercriminalité, l'environnement - le droit est
attendu pour poser les normes de comportement de ces nouveaux acteurs (2).
Cette « attente » de droit tient à ce qu'il apporte la sécurité en permettant à
chacun de connaître le cadre à l'intérieur duquel il peut agir et les normes
qu'il doit suivre pour agir ; elle tient aussi, et par ricochet, à ce que le droit
garantit les moyens d'un exercice partagé des libertés. Sécurité et libertés sont
ainsi les deux attributs de la raison juridique.
Ces deux propriétés marquent également le droit qui organise le pouvoir
politique. Définissant, en effet, les éléments significatifs d'une constitution,
l'article 16 de la Déclaration de 1789 en retient deux : la séparation des pouvoirs
et la garantie des droits. La séparation des pouvoirs, c'est la sécurité du
cadre de production des normes avec la distribution de compétences propres
à chaque institution, l'initiative au pouvoir exécutif, la délibération et le vote
au pouvoir législatif et le contrôle à l'institution judiciaire. La garantie des
droits, c'est faire des libertés la finalité de l'action normative des pouvoirs
publics. Et ces deux éléments forment ce qu'il est convenu d'appeler un « État
de Droit ». Banale description sans doute mais qui n'est banale que par l'oubli
du long et tumultueux processus de l'avènement de l'État de Droit. Car, au
(1) Allocution télévisée, 11 avril 2020.
(2) Il est aussi redouté par ceux qui, régnant sur ces activités, voudraient pouvoir
continuer à se comporter « librement », c'est-à-dire, sans droit.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° Spécial-2021

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