CRFPA - Procédure pénale - CRFPA - Examen national Session 2023 - 6e - 198

Exercice corrigé
DISSERTATION
Sujet : Le juge d'instruction, un juge réellement indépendant ?
Dans La Comédie humaine, le personnage de Camusot dépeint le juge d'instruction comme
« l'homme le plus puissant de France ». Si le juge d'instruction d'aujourd'hui n'est plus le
juge inique et solitaire du roman de Balzac, il n'en reste pas moins que la question de son
indépendance est toujours d'actualité. En témoigne la publication récente des Mémoires
d'un juge trop indépendant, par l'ancien juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke.
Les prérogatives actuelles du juge d'instruction sont en réalité le fruit de son histoire. Tandis
que la grande ordonnance criminelle de 1670 n'avait confié au lieutenant criminel - ancêtre
du juge d'instruction - que de simples pouvoirs d'enquête, la loi du 17 juillet 1856 donne au
juge d'instruction, dont elle crée la fonction, d'importants pouvoirs juridictionnels venant
s'ajouter aux pouvoirs d'enquête. Cette dualité des pouvoirs du juge d'instruction, à la fois
juge et enquêteur, est entérinée par le Code de procédure pénale de 1958. Protégé par son
statut de magistrat du siège lorsqu'il exerce ses fonctions juridictionnelles, tout en étant
autonome dans l'exercice de ses fonctions d'enquêteur, puisqu'il lui appartient de procéder
à tous les actes qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité, le juge d'instruction est doté
aujourd'hui encore de nombreuses prérogatives qui, paradoxalement, posent la question
de son avenir.
Certes, depuis la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, la décision du placement en détention
provisoire appartient au juge des libertés et de la détention. Surtout, sous l'influence de
la jurisprudence européenne, le respect du contradictoire et des droits de la défense s'est
progressivement imposé dans la phase de l'instruction. Ainsi, tandis qu'il exerçait jadis ses
prérogatives dans le secret, et sans discussion possible avec les parties, le juge instruit
aujourd'hui sous le contrôle de celles- ci, qui ont accès à l'entier dossier de procédure. Mais
la question d'une réforme de la juridiction d'instruction est régulièrement posée, parfois pour
lui attribuer les garanties de la collégialité - réforme envisagée en 2007 mais finalement
abandonnée faute de moyen - parfois même pour la supprimer - réforme envisagée en
2010 à la suite des recommandations de la commission Léger de créer la fonction de juge
de l'enquête et des libertés. Plus récemment, c'est l'instauration du parquet européen par
la loi du 24 décembre 2020 qui a conduit à un transfert des pouvoirs de l'instruction vers
ce nouveau parquet, qui prend seul la direction de la phase préparatoire, sous le contrôle
du juge des libertés et de la détention.
En réalité, si l'indépendance du juge d'instruction paraît, de prime abord, évidente en ce
qu'elle résulte de l'absence de subordination statutaire aux pouvoirs législatif et exécutif
(CEDH, 28 juin 1984, Campbell et Fell c/ Royaume- Uni), elle ne saurait être affirmée sans
nuance dans le cadre de l'exercice de ses fonctions.
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