Précis Domat - Histoire constitutionnelle de la France de 1789 à nos jours - 17e - 283

LE RETOUR PROGRESSIF AU PARLEMENTARISME (1860-1870)
sûreté générale du 19 février 1858), à la manière de l'attentat de la rue SaintNicaise
contre les Jacobins, l'attentant d'Orsini sert de point de départ à une nouvelle
intervention dans la péninsule italienne. Peu importent les péripéties qui, à
partir de l'attentat manqué du révolutionnaire romagnol, amènent Napoléon III à
s'engager aux côtés de Cavour et du Piémont dans la libération de la jeune Italie
du joug autrichien. L'intervention est en revanche capitale quant à ses conséquences
internes. Le gain par la France de Nice et de la Savoie s'accompagne en effet
d'une remise en cause des États pontificaux, menaçant sérieusement le pouvoir
temporel du pape, que la seconde République avait laissé intact. L'Empire intégral
perd ainsi un de ses soutiens attitrés, l'opinion catholique. Perte d'autant plus grave
que, malgré le décret du 16 août 1859, qui accorde une « amnistie pleine et entière à
tous les individus qui ont été condamnés pour crimes et délits politiques ou qui ont
été l'objet de mesures de sûreté générale », elle n'est pas compensée par le ralliement
républicain espéré.
Par ailleurs, la politique libre-échangiste de l'empereur provoque une autre
défection. De sa propre initiative, sans même en informer le Corps législatif, Napoléon
III conclut avec l'Angleterre un traité de commerce le 23janvier 1860, traité
certes favorable aux consommateurs, mais qui vient braquer les industriels en
livrant le marché français au concurrent héréditaire. Criant au coup d'État douanier,
les milieux d'affaires se défient désormais de l'autorité impériale et redécouvrent
les avantages du régime parlementaire, permettant de contrôler les initiatives
intempestives de l'Exécutif. Tel est le contexte qui préside au premier assouplissement
libéral de 1860. On peut certes marquer un étonnement, comme Émile Ollivier
: « L'empereur eut pu nous écraser... et étouffer dans une enceinte plus hermétiquement
close nos protestations impuissantes. » Si rien ne contraignait
juridiquement l'empereur à desserrer l'étreinte, il reste que, dans le contexte créé
par la défection de ses plus fervents partisans, il était politiquement plus habile
d'incliner le régime dans un sens libéral.
C'est une situation analogue qui se présente à un empereur affaibli par la maladie
à la veille de la deuxième vague de réformes de 1867. Après l'échec de sa tentative
de ralliement de la classe ouvrière (cf. loi du 25 mai 1864, qui supprime le
délit de coalition et autorise de ce fait l'exercice du droit de grève), Napoléon III
doit à nouveau apaiser le trouble qui gagne les « classes supérieures ». Les milieux
d'affaires s'inquiètent de l'évolution de la situation internationale. Il est vrai que
l'annonce d'une alliance entre la Prusse et l'Italie ne peut rassurer, pas plus que la
victoire de Sadowa (3 juillet 1866), qui assure la domination prussienne en Allemagne
et est perçue comme un échec de notre diplomatie. Notre armée subit par
ailleurs de sérieux revers au Mexique, où Napoléon III rêve d'établir un empire qui
fasse contrepoids aux États-Unis. L'atmosphère est à ce point tendue qu'une union
antidynastique menace de se former au Corps législatif. Une libéralisation d'ampleur
devient nécessaire. L'empereur, dont la marge de manœuvre s'est considérablement
amenuisée, s'engage ainsi dans la voie des concessions. Il est vrai que la
vie politique, réduite à néant jusqu'en 1860, connaît depuis lors un regain d'activité
avec lequel le pouvoir doit compter.
Deuxième partie : Vers une synthèse constitutionnelle
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