Précis Domat - Histoire constitutionnelle de la France de 1789 à nos jours - 17e - 49

L'ÉTABLISSEMENT DU DROIT CONSTITUTIONNEL MODERNE (1789-1792)
arme destinée à abattre la structure traditionnelle de la société, comme une arme
contre l'Ancien Régime.
Quand est publié Qu'est-ce que le Tiers État ?,l'exigence du doublement du
Tiers vient d'être satisfaite par un arrêt du Conseil du roi, en date du 27 décembre
1788. Mais la monarchie ne cède pas sur l'essentiel, à savoir le vote par tête. Ce
problème n'est pas davantage abordé par le règlement électoral du 24janvier 1789,
dans lequel Louis XVI se contente de fixer les conditions de la consultation.
2. Les conditions de la consultation
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Le préambule du règlement du 24janvier 1789 débute par ces termes : « Le roi,
en adressant aux diverses provinces soumises à son obéissance des lettres de
convocation pour les États généraux, a voulu que ses sujets fussent tous appelés à
concourir aux élections des députés qui doivent former cette grande et solennelle
Assemblée ; Sa Majesté a désiré que, des extrémités de son royaume et des habitations
les moins connues, chacun fût assuré de faire parvenir jusqu'à elle ses vœux
et ses réclamations. »
Cet extrait souligne d'emblée la contradiction centrale du texte, riche de 51 articles.
Quoique le monarque convoque une Assemblée sur le modèle de la division
traditionnelle en ordres, le ton qu'il utilise laisse percer un souci d'unité qui
annonce directement le droit électoral moderne. Il est vrai que, en juillet 1788, lorsqu'est
prise la décision de convoquer les États généraux, il n'existe pas de corps de
doctrine ou de textes qui puissent donner à l'administration royale matière à définir
les règles du jeu électoral. Cela d'autant moins que la dernière réunion en date a
près de deux siècles. Aussi le roi demande-t-il à ses sujets d'envoyer à la Cour
« des mémoires, des renseignements et des éclaircissements » sur la tenue des
États, mobilisant notamment les sociétés savantes. On peut s'étonner de cette candeur
sur un problème aux conséquences aussi vastes que les modalités d'un scrutin.
Mais la monarchie n'a pas l'expérience de deux siècles de pratique démocratique.
Le texte mêle ainsi institution ancienne et esprit nouveau. À mi-chemin entre tradition
et innovation, il marque aussi bien une fin qu'un avènement.
45 Le système électoral mis en œuvre en 1789 emprunte à la tradition la division
ternaire de la société. Comme en 1614, le suffrage s'exerce dans le cadre du
bailliage ou de la sénéchaussée et tient compte de la diversité des ordres. Il est
« libre » - ce terme étant préférable à « universel », dans la mesure où la division
en ordres nie par hypothèse l'universalité - pour les deux premiers ordres, mais les
modalités de son exercice diffèrent pour chacun d'eux.
Le droit d'élire est dévolu à tous les membres de la noblesse, propriétaires ou
non. Les premiers peuvent voter partout où ils possèdent des fiefs, directement ou
par procuration, comme il est de règle pour les femmes et les mineurs. Quant aux
nobles non-possesseurs de fiefs, ils doivent, pour exercer le droit de suffrage, être
âgés de 25 ans, nés Français ou naturalisés et domiciliés dans le ressort du bailliage.
Pour tous, le suffrage est direct, c'est-à-dire qu'il débouche directement sur l'élection
du député aux États généraux, sans aucune étape intermédiaire entre l'opération
de vote et la désignation du représentant.
Première partie : La formation des traditions constitutionnelles
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