Précis Domat - Droit européen de la concurrence - 4e - 216

DROIT EUROPÉEN DE LA CONCURRENCE
section 3). Quelques autres notions d'économie de la concurrence, mobilisées lors
de l'analyse du pouvoir de marché, doivent également être présentées (sous-section
4).
S/SECTION 1 NOTION DE POUVOIR DE MARCHÉ
438
Définition du pouvoir de marché. - La préoccupation de
l'économie du droit de la concurrence est que l'entreprise puisse acquérir, renforcer
ou exploiter un pouvoir de marché, par la réalisation d'une fusion ou par l'adoption
des comportements stratégiques coopératifs et non coopératifs déjà évoqués. De
quoi s'agit-il ? Le pouvoir de marché désigne la capacité des entreprises à fixer,
en réduisant leur production, des prix supérieurs à ceux qui prévaudraient en situation
de concurrence pure et parfaite (c'est-à-dire supérieurs au coût marginal), et à
ainsi réaliser, à tout le moins à court terme, des profits « supra-concurrentiels »137
.
439 Gradation du pouvoir de marché. - À définir ainsi le pouvoir de marché, on
pourrait craindre que tout marché se retrouve dans la ligne de mire des autorités de
concurrence. De toute évidence, une telle solution ne serait pas heureuse. Sur l'ensemble
des marchés sur lesquels les produits/services ne sont pas de parfaits
substituts138
fongibles139
marginal140
440
livrent une concurrence féroce.
Pouvoir de marché et concurrence ne seraient donc pas antithétiques. En état de
. Selon eux, seul le
relatif consensus - cela est suffisamment rare pour être souligné - les économistes
considèrent qu'il y a des degrés dans le pouvoir de marché141
AstraZeneca contre Commission, préc., § 175 et CJUE, 19 avr. 2012, C-549/10 P, Tomra Systems ASA et
autres contre Commission, EU:C:2012:221, § 39.
■ 137. Voir D. W. CARLTON et J. M. PERLOFF, Économie industrielle, op. cit., p. 157. Conceptuellement, la
notion de pouvoir de marché est proche de la notion de pouvoir de monopole, parfois employée en doctrine.
■
138. Voir M.MOTTA, Competition Policy - Theory and Practice, op. cit., p. 116. Une telle situation se
présente notamment lorsque les produits sont différenciés, les coûts de changement sont importants ou les
clients sont fidèles.
■ 139. Voir R. POSNER, Antitrust Law, op. cit., p. 265. Un produit est dit « commodité » dès lors qu'a disparu,
au cours du processus de production, toute différence qualitative issue de son origine naturelle. Le
blé, des substances chimiques comme l'acide sulfurique, les métaux raffinés, les produits pétroliers raffinés,
le sucre raffiné, des produits manufacturés plus élaborés comme les rails ou les composants électroniques
standards, l'électricité, la bande passante, les processeurs RAM, etc. sont des produits de commodité.
■ 140. Voir D. GERADIN,P. HOFER,F. LOUIS,N. PETIT et M.WALKER, « The Concept of Dominance », in
D. GERADIN (ed.), GCLC Research Papers on Article 82 EC, Global Competition Law Centre, juin 2005,
Bruges, p. 9.
■ 141. Voir R. LANDES et R. POSNER « Market Power in Antitrust Cases », (1981) 94(5) Harvard Law
Review, p. 939 : « The fact of market power must be distinguished from the amount of market power ».
Voir aussi D. GERADIN et al., « The Concept of Dominance », op. cit.,p. 9.
216
- c'est-à-dire tous, à l'exception peut-être des marchés de commodités
- les entreprises peuvent fixer leurs prix au-dessus de leur coût
. Or, il n'est pas rare que, sur ces mêmes marchés, les entreprises se
Précis Domat - Droit européen de la concurrence - 4e

Table des matières de la publication Précis Domat - Droit européen de la concurrence - 4e
