Précis Domat - Histoire des institutions avant 1789 - 7e - 259

ÉMERGENCE DE L'ÉTAT ROYAL
Moyen Âge, d'affrontement politique avec la représentation nationale. Au seuil des
temps modernes, malgré les tentatives d'exploitation de la maxime « Quod omnes
tangit ab omnibus tractari et approbari debet » (supra,no
174) par quelques penseurs
(Nicole Oresme), le roi est demeuré le seul interprète et le seul gardien de
l'intérêt général, le seul dispensateur de la loi et le seul maître du choix de ceux
qui, en son conseil, l'assistent dans le gouvernement de son royaume.
§2. NAISSANCE D'UNE ADMINISTRATION
ET D'UNE FONCTION PUBLIQUE D'ÉTAT
257
Exécuter les grandes tâches, de plus en plus nombreuses, liées
à la progression du pouvoir royal : au fur et à mesure que l'on avance vers cette fin
du Moyen Âge, ce qui n'était au départ que fonction et structure de gestion du
domaine, des revenus de ce domaine et des communautés directement soumises à
la seigneurie royale tend à se muer en une fonction et en une structure infiniment
plus complexes, qui garderont cependant très longtemps les traces de leurs origines.
L'évolution ne se fait pas à coups de grandes réformes : le plus souvent, l'émergence
de nouveaux rouages administratifs se fait presque insensiblement, sur le
long terme, et ne vient jamais rendre caducs les plus anciens. Le pouvoir royal ne
remplace pas une institution par une autre, il crée ou laisse émerger « à côté »,
lorsque naît une tâche nouvelle ou lorsqu'une tâche croît en complexité ; il peut
aussi créer « au-dessus » lorsqu'il éprouve la nécessité d'un contrôle plus étroit de
certaines structures préexistantes. Évoquer cette administration, c'est d'abord étudier
l'évolution de ces agents de l'administration locale dont on a pu constater
l'émergence au temps de Philippe Auguste (supra, chap. 4, no
183) : baillis du
e
nord et sénéchaux du sud et de l'ouest. C'est en second lieu constater l'essor
d'une administration des finances, étroitement lié à l'apparition, au cours des XIV
XV
e siècles, des finances dites « extraordinaires » et marqué par l'instauration de la
dualité. C'est enfin envisager la lente émergence d'un statut pour ces agents qui
assument les grandes tâches de l'État.
A. L'ADMINISTRATION LOCALE : GRANDEUR
ET DÉCADENCE DE LA FONCTION BAILLIVALE
258
XII
Baillis dans le nord, d'abord envoyés en tournée d'inspection des prévôts (fin
e siècle), puis peu à peu sédentarisés (vers 1220-1250) à la tête de circonscriptions
englobant plusieurs prévôtés, sénéchaux dans le sud et l'ouest, héritiers des
officiers des anciennes cours princières : vers le milieu du XIII
e siècle, ces deux
types d'agents, le plus souvent issus de la petite noblesse, parfois (tout au moins
dans le nord) de la bourgeoisie, et formés au droit, sont devenus interchangeables,
étroitement dépendants du roi qui les nomme en son conseil, les révoque, les
déplace à sa convenance et les rétribue par le versement d'un traitement appelé
« gages ». Un remarquable exemple de carrière « baillivale » marquée par la mobilité
(certaines ordonnances prescrivent une mobilité tous les trois ans) est celle du
célèbre Philippe de Beaumanoir : d'abord bailli du comte de Clermont-enPremière
partie : Les origines médiévales
259
et
Précis Domat - Histoire des institutions avant 1789 - 7e

Table des matières de la publication Précis Domat - Histoire des institutions avant 1789 - 7e
