Précis Domat - Histoire des institutions avant 1789 - 7e - 400

HISTOIRE DES INSTITUTIONS AVANT 1789
auxquelles tous seraient également soumis, se voit reprocher une attitude despotique
parce qu'elle nierait les « droits acquis » des communautés. Cette critique,
alimentée par une nostalgie de la constitution médiévale, véhicule sans doute
l'idée d'une protection des libertés réelles de la nation à l'encontre du roi absolu
mais elle est profondément sclérosante. Si l'idéal social médiéval est en effet l'immobilité,
sa réactivation au XVIII
e siècle se heurte à un mouvement inverse, guère
moins critique à l'encontre de la monarchie, et radicalement hostile aux privilèges :
les Lumières. De par ses fondements individualistes et égalitaires hérités largement
du contractualisme, les philosophes des Lumières se montrent très critiques envers
les privilèges. Sur ce point cependant, ils ne divergent pas des théoriciens absolutistes
qui, dans leur souci d'unification du royaume, ont une prédilection affirmée
pour la loi. Ces derniers considèrent que le mode normal d'expression du souverain
est la norme générale et impersonnelle devant laquelle, fatalement, ses sujets sont à
égalité. Depuis le XVII
e siècle, les jurisconsultes régalistes pensent le privilège
comme une exception alors même qu'il était conçu au Moyen Âge comme un
moyen ordinaire de répartition et de distribution des droits et des charges dans
une société par définition plurielle. Le jurisconsulte janséniste Domat innove considérablement
au XVII
e siècle en écrivant que « dans les États les mieux policés », les
privilèges « ne sont autre chose que des exceptions aux règles communes en faveur
de quelques personnes ». Les absolutistes et les philosophes des Lumières partagent
une faveur pour la loi générale et impersonnelle - en cela, la continuité entre l'Ancien
Régime et la Révolution est patente - et une réticence certaine envers le privilège.
Les seconds s'y opposent néanmoins pour des motifs plus politiques
et sociaux que juridiques : ils dénoncent les avantages injustifiés dont jouissent certains
au XVIII
e siècle, à commencer par les nobles qui, à cause de la composition
largement roturière de l'armée, ne peuvent plus légitimer leur immunité fiscale,
au demeurant partielle, jadis fondée sur le prix du sang. Quant aux privilèges régionaux
- les libertés territoriales-, ils sont regardés comme des vestiges odieux d'une
féodalité honnie parce qu'archaïque et comme une rupture d'égalité et d'unité entre
les provinces du royaume. Tiraillée entre des parlementaires qui voient dans les
privilèges une expression des libertés des sujets et des philosophes qui dénoncent
en eux une forme d'esclavage liberticide, la monarchie ne parvient pas à défendre
une ligne claire : soit les éliminer progressivement comme le tentera en vain
Calonne dans le domaine fiscal en 1787, soit les admettre en mettant à plat non
leur principe mais leur répartition. L'issue est connue : c'est sur proposition de
deux anciens députés de la noblesse aux états généraux (le duc d'Aiguillon et le
vicomte de Noailles) que l'Assemblée constituante vote l'abolition des privilèges
- en réalité seulement certains d'entre eux - dans la nuit du 4 août 1789.
C. LA SOUVERAINETÉ LÉGISLATIVE
409 L'impossible définition matérielle de la « loi du roi ». - La théorie moderne
de la loi se fonde sur sa forme et donc son auteur. Elle ne permet pas de discriminer
les dispositions générales ou particulières et les actes durables ou ponctuels : toutes
ces catégories sont emportées dans l'idée de commandement du souverain. « Si veut
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