Manuel - Droit international privé - 8e - 58

DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
lorsque cette loi est étrangère, la conception française de l'ordre public
international94
peut s'opposer à l'application en France de certaines de ses dispositions
- par exemple, celles qui édictent des empêchements liés à des considérations
religieuses ou, inversement, celles qui permettent la polygamie. C'est
ainsi que l'ordre public s'oppose à la célébration en France de l'union d'un
étranger déjà marié avec une seconde épouse, alors même que leur loi nationale
commune le permet95
. Cependant, les unions polygamiques formées à
l'étranger entre des étrangers, conformément à leur statut personnel commun,
ne heurtent pas l'ordre public français qui, en ce cas, est atténué96
donc regardées comme valables et peuvent produire, en France, certains des
effets du mariage97
, ou y être dissoutes par divorce98
.
49. Lorsque les époux sont de nationalités différentes, il convient, de
soumettre à la loi de chacun les conditions qui le concernent en propre99
;on
parle, alors, d'application « distributive » des lois nationales. Mais, certaines
conditions de formation portent, en réalité, sur les qualités du conjoint - notamment,
lorsque la loi personnelle de la femme lui interdit d'épouser un homme
déjà marié. En présence de ce type d'empêchements dits « bilatéraux », il est
impossible de respecter intégralement les exigences de chaque loi nationale ;
leur application « distributive » s'avère donc impraticable ; il faut nécessairement
choisir entre elles ou changer de facteur de rattachement. Dans le cas de
la polygamie, le conflit se règle par la mise en œuvre de la plus exigeante des
lois nationales en présence. Ainsi, le mariage d'une Française avec un étranger
déjà marié ne sera pas considéré comme valable, alors même que la loi personnelle
de l'homme admet la polygamie100
. En outre, il avait été jugé que le second
mariage - même conclu à l'étranger entre deux époux dont le statut personnel
autorisait la polygamie - ne pouvait produire d'effet en France à l'encontre de la
première femme de nationalité française101
. Cette dernière jurisprudence a
94. Voir infra,nº 48 et, sur l'ordre public international, infra, nº 386 et s.
95. Instruction générale relative à l'état civil, art. 548.2.
96. Sur la notion d'effet atténué de l'ordre public, voir infra, nº 394.
97. Ainsi, par exemple, l'obligation alimentaire envers une seconde épouse : Cass. 1re
. Elles sont
civ., 28janv. 1958,
Chemouni, RCDIP 1958, p. 112, note R. Jambu-Merlin ; JDI 1958, p. 776, note A. Ponsard ; GADIP,nº 30-31 ;
sa vocation successorale : Cass. 1re
civ., 3janv. 1980, Bendeddouche, RCDIP 1980, p. 331, note H. Batiffol ;
JDI 1980, p. 327, note M. Simon-Depitre ; GADIP, nº 61. En revanche, le bénéfice des prestations d'assurance
maternité a été refusé à une seconde épouse : Cass. soc., 1er
mars 1973, RCDIP 1975, p. 4, note
P.Graulich ; JDI 1974, p. 834, note G. de La Pradelle ; surtout, sur le défaut d'assimilation opposé en
matière de naturalisations, voir C. civ., art. 21-24 et infra, nº 999, en matière de délivrance d'un titre de
séjour, voir infra, nº 1098, 1067 ainsi qu'en matière de regroupement familial, voir infra, nº 1112.
98. Cass. 1re
civ., 17 nov. 2021, nº 20-19420, RCDIP 2022,p. 418,note E. Ralser ; JDI 2022, comm. 2, note
J. Guillaumé.
99. Pour une application à des époux franco-coréen, v. Cass. 1re
civ., 25mai 2016, nº 15-14666, RCDIP 2016,
p. 668, note E.Ralser (erreur sur les qualités essentielles de la personne).
100. Cass. 1re
civ., 24 sept. 2002, nº 00-15789, RCDIP 2003, p. 271, note B. Bourdelois : nullité du mariage
conclu en Égypte entre une Française et un Libanais musulman déjà marié ; voir aussi Cass. 1re
civ.,
9nov. 1993, RCDIP 1994, p. 644, note E.Kerckhove : le second mariage formé en Algérie avec une Algérienne,
par un binational franco-algérien déjà marié en Algérie avec une autre Algérienne, n'apas été
reconnu valable en France.
101. Voir Cass. 1re civ., 17 févr. 1982, Baaziz, RCDIP 1983, p. 275, note Y. Lequette ; JDI 1983, p. 606, note
Ph. Kahn ; voir aussi dans la même affaire Cass. 1re civ., 6juill. 1988, RCDIP 1989, p. 71 refusant le partage
de la rente de réversion entre les deux épouses survivantes et 1er
p. 339, note P. Lagarde.
déc. 2011, nº 10-27864, RCDIP 2012,
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