Bibliothèque de droit privé - Tome 617 - Le droit international privé à l'épreuve de l'internet - 374

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le droit international privé à l'épreuve de l'internet
adoptée très tôt par certaines « grandes entreprises » dans le cadre du Global
Business Dialogue, celles-ci réclamant l'application de la seule loi du professionnel
exerçant l'activité de commerce électronique, de même que devait être seul reconnu
compétent son propre juge335
. Dans le même sens, on évoquera une audition
publique organisée par la Commission européenne les 4 et 5 novembre 1999 à
Bruxelles afin de permettre à tous les opérateurs engagés dans le commerce électronique
de s'exprimer sur des questions du droit international privé336
. Il ressort
de cette audition que l'industrie, c'est-à-dire l'ensemble des fournisseurs de produits
et services par l'internet, était unanime pour préconiser l'application de la
loi du pays d'origine.
L'application de la loi du pays d'origine simplifie le cadre légal pour toute
personne exerçant une activité en ligne. Le responsable de l'activité en ligne n'a
plus qu'à se conformer à une seule et même législation interne. Du point de vue du
responsable, la désignation de la loi du pays d'origine permet, à défaut d'avoir un
droit objectivement unique - c'est-à-dire un droit uniformisé à l'échelle de l'Union
européenne ou à l'échelle mondiale - de bénéficier d'un droit subjectivement
unique337
. Une seule et même loi est applicable à l'intégralité de ses activités en
ligne, peu important l'État membre touché par celle-ci. L'entreprise continue de
commercer via l'internet dans les autres États membres sans que le passage des
frontières ne soit sensible. Comme l'a écrit Monsieur Emmanuel Crabit, alors
membre de la direction générale pour le marché intérieur, « [l]e seul moyen efficace
de supprimer les frontières entre les États membres est de poser le principe
du « pays d'origine » selon lequel un opérateur devrait être normalement soumis
uniquement à la législation de son pays d'origine, que son activité soit locale,
régionale, nationale, transfrontalière ou pan-européenne »338
. Dans le même sens,
on citera M. le professeur Marc Fallon : « dans une situation caractérisée par
une disparité de législations, [on] cherche la possibilité de faire bénéficier l'opérateur
économique de l'application d'une « loi unique », indépendamment du marché
de commercialisation, comme un corollaire du concept de marché unique,
dans l'attente de l'établissement éventuel de règles communes »339
.
Cette « unification subjective » du droit est de nature à inciter le responsable
à étendre son activité en ligne à l'étranger pour au moins trois raisons d'ordre
économique :
- En premier lieu, parce que l'application exclusive de la loi du pays d'origine
implique de rompre avec toute logique territorialiste, le responsable
n'a pas à craindre l'application de lois étrangères dont les conditions
seraient plus strictes que celle de la loi de son pays d'établissement. Il n'est
335. M. Vivant, « Business to consumer (B to C) : loi applicable et juge compétent », Légicom
2000/1-2, n° 21-22, p. 95. Adde. J. Huet, « Commerce électronique, Loi applicable et règlement des
litiges, Propositions des grandes entreprises (GBDe) », JCP G 1999, II, Actualités, p. 1761.
336. V. le compte-rendu par la revue Europolitique, « Commerce électronique : industrie versus
consommateurs », 11 nov. 1999, n° 2450, p. 1.
337. Rappr. B. Audit et L. d'Avout, Droit international privé, LGDJ, 8 éd., 2018, n° 61, p. 67 :
« Appliqué en droit privé et sans discernement, c'est-à-dire sans prendre la peine d'une justification au
regard des principes de proportionnalité et de subsidiarité, pratiquement ignorés, le « principe
d'origine » peut se traduire par une forme d'unification du droit, les fournisseurs de biens et de services
choisissant de fixer leur établissement dans l'État dont la législation leur est le plus favorable » (nous
mettons en italique).
338. E. Crabit, art. préc., p. 759.
339. M. Fallon, cours préc., n° 81, p. 145.
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