Bibliothèque de droit privé - Tome 618 - Les considérations substantielles dans le règlement de la compétence internationale des juridictions - 420

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LES CONSIDÉRATIONS SUBSTANTIELLES DANS LE RÈGLEMENT
DE LA COMPÉTENCE INTERNATIONALE DES jURIDICTIONS
b) L'exigence de qualité du défendeur originaire
419. Absence de qualité particulière de la compétence d'ancrage et vérification
des qualités du défendeur originaire - L'exigence d'une qualité particulière de la
compétence d'ancrage n'est pas commune à toutes les règles de compétence dérivée,
aussi bien en procédure interne qu'en droit judiciaire européen. Notamment, elle ne
concerne pas les extensions de compétence qui peuvent se passer de cette garantie
puisqu'elles tirent leur légitimité d'une nécessité procédurale supérieure. Cela se
passe d'explication en ce qui concerne les demandes reconventionnelles qui doivent
évidemment être présentées à la juridiction saisie de la demande originaire, quel que
soit son chef de compétence. Ainsi, la compétence en matière de d'intervention
forcée (art. 8§ 2) n'exige aucune qualité de la juridiction « saisie de la demande originaire
». C'est particulièrement remarquable dans le cadre du système de Bruxelles
I, dont on a déjà remarqué qu'il était plus sourcilleux sur les dérogations au forum
rei. Peu importe pourtant le fondement de la compétence de ce tribunal : compétence
spéciale, prorogation expresse ou tacite de compétence, voire chef de compétence
connu du droit national et même privilège de compétence145
.
En revanche, la demande originaire doit avoir les mêmes qualités que celle de
la demande à l'égard du défendeur-ancre dans le cadre de l'article 8§ 1. Le défendeur
originaire doit être principal (c'est-à-dire qu'il ne doit pas être tenu à titre
accessoire), réel (non simulé) et sérieux (c'est-à-dire qu'une véritable demande lui
est adressée). Ce niveau d'exigence n'est pas très élevé et ne devrait permettre
d'écarter que les demandes si manifestement infondées ou irrecevables qu'elles
sont presque fantaisistes. S'agissant d'une question de compétence, il n'est pas
illégitime de s'en tenir à un examen sommaire.
420. Conclusion : pour une généralisation de la connexité comme chef de compétence
autonome - Comme le soulignent certains auteurs processualistes, l'étendue
des aménagements tolérés aux règles de compétence en procédure interne
démontre le peu de cas que le législateur fait de ces dernières146
ment du forum rei147
, et particulière.
Cette remarque vaut sans doute aussi bien dans l'ordre international.
Par opposition, le rejet par le système judiciaire européen de certains
chefs de compétence dérivée, et notamment de ceux qui porteraient le plus gravement
atteinte au principe (la prorogation de compétence en cas de connexité et
l'extension aux demandes additionnelles), démontre un attachement supérieur de
ce dernier au forum rei, au moins rhétoriquement. En réalité, il devrait être possible,
même en droit judiciaire européen, de faire de la connexité un fondement
autonome de compétence. L'entorse, pour chaque défendeur, ne serait pas plus
145. Lorsque le défendeur à la demande originaire n'est pas domicilié sur le territoire d'un État
membre de l'Union européenne et qu'il est attrait sur le fondement du droit commun rien n'empêche
de demander l'intervention forcée d'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre de
l'Union sur le fondement de l'article 8§ 2. V. H. Gaudemet-Tallon, n° 250 ; L. Usunier, fasc. précité,
n° 31, qui regrette cette solution au motif que « la légitimité des règles de compétence dérivée dépend
étroitement de la qualité du chef de compétence utilisé pour autoriser le juge saisi à statuer sur la
demande originaire » ; CA Paris, 22 févr. 1990, JDI, 1991, p. 152, obs. A. Huet ; Pourvoi rejeté par
Cass. 1re
civ., 14 mai 1992, n° 90-16.295, JCP G, 1992, IV, 1958 ; JDI, 1993, p. 151 (1re
esp.),
obs. A. Huet ; D. 1993, somm. p. 348, obs. B. Audit ; CA Grenoble 29 avr. 1999, JCP G, 2001, IV,
1466, par combinaison de l'article 6§ 2 de la convention de Lugano et de l'article 46 CPC.
146. J. Héron et T. Le Bars, n° 1001, p. 795.
147. J. Normand, obs. sous l'arrêt Cass. 1re
civ., 8 février 1983, Bull. civ. I, n°51, RTD civ., 1984,
p. 156.

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