Bibliothèque de droit privé - Tome 618 - Les considérations substantielles dans le règlement de la compétence internationale des juridictions - 592

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LES CONSIDÉRATIONS SUBSTANTIELLES DANS LE RÈGLEMENT
DE LA COMPÉTENCE INTERNATIONALE DES jURIDICTIONS
française ne s'explique pas tant par sa volonté d'application, ce qui est le propre
des lois de police, que par le caractère insupportable pour les valeurs de la société
française d'une prescription plus longue que celle prévue par le droit français.
Sur cette question particulière des courts délais de prescription, la démonstration
a d'ailleurs déjà été faite par M. Heuzé que ce qui passe pour une loi de
police constitue en réalité une exception d'ordre public international opposé à une
loi étrangère retenant un délai plus long que celui du droit français. Est-ce que les
juridictions françaises seraient aussi enclines à appliquer la loi française si la loi
étrangère retenait un délai plus long ou plus court d'un jour ? Si la réponse est
négative c'est qu'il s'agit bien d'une exception d'ordre public international. En
l'espèce, il est indiqué que la diffamation avait eu lieu en 1997, alors que la juridiction
française a été saisie en mai 1998. Il apparaît donc qu'au moins 5 mois
s'étaient écoulés entre les faits et la demande, et peut-être bien plus (6 mois ? 12
mois ?). Certes, un délai plus long de deux mois ne paraît pas, à première vue,
violer les valeurs de la société française. Outre que le délai était en l'espèce peutêtre
plus long, le caractère fondamental de la prescription courte peut tout à fait
justifier une exception d'ordre public si le délai retenu par la loi étrangère est plus
long de quelques semaines.
La suspicion est d'autant plus grande que c'est sans doute uniquement la question
de la prescription qui est en cause, le reste de l'action, si elle n'est pas prescrite
en application du droit français, devant être soumis à la loi étrangère applicable. Ce
caractère partiel de l'application de la loi française milite plutôt pour une qualification
d'exception d'ordre public international. Et puis quel serait le champ d'application
d'une telle loi de police ? La Cour n'en dit rien. Pour mériter son qualificatif
de « conflictuellement dérogatoire », il faut que la loi française soit applicable alors
même que le fait dommageable a eu lieu à l'étranger. Faut-il en déduire que l'article
65 de la loi de 1881 est applicable dès lors que le juge français est saisi ? Où,
comme c'était le cas en l'espèce, lorsque les parties - la victime ? l'auteur ? les
deux ? - ont leur domicile en France ? Si, comme le silence de la Cour sur ce point
le laisse supposer, c'est la première solution qui est retenue, voilà un indice de plus
qu'il s'agit d'une exception d'ordre public déguisée.
En tout état de cause, l'on voit mal à quoi servirait une compétence-relai
d'une loi de police dont le seul contenu serait la prescription courte. Il n'y a pas là
un droit reconnu dont une personne pourrait demander la sanction aux juridictions
françaises, dont la compétence serait nécessaire à cette fin.
c) Les vraies lois de police en matière extracontractuelle
607. Choix en ce qui concerne les lois de police envisagées - Après avoir éliminé
les exemples qui nous paraissaient manifestement mal-fondés, nous voulons
nous intéresser à des hypothèses où la qualification de loi de police est moins
contestable. Nous nous proposons d'étudier des normes répressives, accompagnées
d'une compétence d'une autorité publique, entraînant potentiellement un
mécanisme serait alors plutôt celui de l'exception d'ordre public international. C'était d'ailleurs
l'approche retenue par la cour d'appel de Paris, quoiqu'elle ait considéré que la protection du droit
moral n'était pas d'ordre public. V. dernièrement l'arrêt ABC News dans lequel la Cour de cassation
fait plus simplement application de la lex loci protectionis Cass. 1re
civ., 10 avr. 2013, n° 11-12.508,
n° 12-12.886 et n° 12-14.525, D. 2013. 1392, note S. Chatry, 2004, note T. Azzi, 1973, chron. M. Vivant,
et 2014, p. 1059, obs. H. Gaudemet-Tallon ; RTD com. 2013. 725, obs. F. Pollaud-Dulian.

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