Bibliothèque de droit international et droit de l'Union européenne - Tome 136 - Le Conseil d'État, juge de droit commun du droit de l'Union européenne - 51

INTRODUCTION
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En effet, sont généralement opposés les partisans de la fonction d'application et
de la fonction de création208
et il convient de préciser à ce stade de l'étude que nous
. Critiquer
. Nous
port du Conseil d'État à la formation du droit administratif français212
lorsque l'on connaît l'ap.
La fonctenons
pour acquise l'idée selon laquelle l'interprétation des normes à laquelle
procèdent les juges révèle « le pouvoir normatif de la jurisprudence »209
cet état de fait au nom de l'adoption d'une conception particulière de la séparation
des pouvoirs est une chose, contester son existence en est une autre210
éprouvons des difficultés à concevoir comment peut être réfutée l'existence du
pouvoir créateur de la jurisprudence administrative211
tion juridictionnelle doit par ailleurs être distinguée de l'office du juge que nous
définirons en empruntant l'analyse de Mattias Guyomar et Bertrand Seiller qui
l'appréhendent comme « un ensemble cohérent, constamment enrichi, de pouvoirs
et de devoirs destinés à garantir un examen pertinent des litiges et l'effectivité de la
décision rendue »213
. Ces précisions étant apportées, nous allons désormais présenter
les objectifs de notre recherche et la démarche adoptée.
22. Évaluer l'incidence « directe » de la mise en œuvre du droit de l'Union sur
les pouvoirs et devoirs traditionnels du Conseil d'État et sur sa manière de dire le
droit et de trancher les litiges. Nous identifierons, en premier lieu, les répercussions
des exigences mises à la charge des juridictions nationales par le droit
communautaire sur la conception que se faisait le Conseil d'État de son office et
sur la manière d'exercer sa fonction juridictionnelle. Il est en effet traditionnellement
admis qu'avant que ne soient rendus les arrêts Alitalia et Nicolo, le juge
administratif avait
fait preuve d'une farouche résistance vis-à-vis du droit
communautaire. Nous tenterons de mesurer la véracité de ce constat et nous mettrons
en lumière les contraintes juridiques et axiologiques qui ont pesé sur le
Conseil d'État et qui l'ont conduit à éprouver des difficultés à se conformer aux
exigences de ce droit. En second lieu, nous nous emploierons à appréhender la
teneur de ses « revirements communautaires » en identifiant, d'une part, les ressorts
de la reconfiguration des relations qu'il entretient avec le droit de l'Union et
la Cour de justice et en évaluant, d'autre part, la traduction spécifique des exigences
du droit de l'Union dans sa jurisprudence. À s'en tenir à une conception
étroite du sujet, il serait permis de croire que la présente étude se résume à ce
208. Cette opposition doit néanmoins être relativisée car, comme le relève Isabelle Boucobza,
« ces deux systèmes de représentations coexistent dans le discours des mêmes auteurs parce ce qu'elles
sont présupposées par le système juridique lui-même ». I. Boucobza, La fonction juridictionnelle.
Contribution à une analyse des débats doctrinaux en France et en Italie, Paris, Dalloz, 2005, p. 5.
209. M. Waline, « Le pouvoir normatif de la jurisprudence », in La technique et les principes du
droit public, Études en l'honneur de Georges Scelle, tome 2, Paris, LGDJ, 1950, p. 613.
210. Nous souscrivons pleinement à l'analyse de Nicolas Molfessis qui estime que « le tableau
idéal d'une jurisprudence qui se contenterait d'appliquer la loi dans un esprit fécond de collaboration avec
le législateur reste une utopie de théoriciens. Loin de dépeindre la réalité, il masque, difficilement au
demeurant, les figures bien distinctes que la doctrine a depuis longtemps décrites [...]. Entre la loi et la
jurisprudence, les relations sont multiples, variables, changeantes. Elles ne sauraient se réduire à un
schéma univoque et figé. Elles sont la vie du droit et la marque des mouvements de notre système
juridique ». N. Molfessis, « Loi et jurisprudence », Pouvoirs, 2008/3, p. 87, spéc. pp. 87-88.
211. La doctrine administrativiste a de longue date adhéré à l'idée du pouvoir créateur de sa
jurisprudence. V. sur ce point J. Hardy, « Le statut doctrinal de la jurisprudence en droit administratif
français », RDP, 1990, p. 453.
212. Sur ce point V. not. F. Melleray « Le droit administratif doit-il redevenir jurisprudentiel ?
Remarques sur le déclin paradoxal de son caractère jurisprudentiel », AJDA, 2005, p. 637 ; G. Vedel
« Le droit administratif peut-il être indéfiniment jurisprudentiel ? », EDCE, 1979-1980, p. 31.
213. M. Guyomar et B. Seiller, Contentieux administratif, 4e
éd., Paris, Dalloz, 2017, p. 458.

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