Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Tome 76 - La responsabilité juridique à l'épreuve de la gestion - 140

140
LA RESPONSABILITÉ JURIDIQUE À L'ÉPREUVE DE LA GESTION
B. UN PRINCIPE DE SÉPARATION ANCRÉ EN DROIT PUBLIC
FINANCIER LOCAL MALGRÉ UNE FAIBLE PORTÉE NORMATIVE
291. Le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables publics bénéficie
d'un ancrage fort en droit public financier sans pour autant se voir conférer une
place privilégiée dans la pyramide des normes19.
292. Les sources normatives du principe sont éparses et ses fondements anciens.
En droit moderne20, le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables
publics a été organisé d'abord en matière de recettes par les décrets des 24 vendémiaire
et 17 frimaire An III, puis élargi aux dépenses par l'ordonnance du 14 septembre
1822. Le principe a été généralisé ensuite par l'ordonnance du roi du 31 mai 1838
portant règlement général sur la comptabilité publique21 et « systématisé »22 dans le
décret du 31 mai 1862 sur la comptabilité publique puis réaffirmé dans le décret du
29 décembre 1962 (RGCP)23. Le décret du 7 novembre 2012 (GBCP) abrogeant le
RGCP lui confère une place symbolique renouvelée. En effet, le règlement général
sur la comptabilité publique (RGCP) de 1962 inscrivait le principe de séparation organique
et fonctionnelle des acteurs de l'exécution du budget à l'article 20, avec ses
exceptions, après avoir décrit les fonctions de chacun d'eux24 tandis que le décret
du 7 novembre 2012 inscrit le principe dès l'article 9 : « les fonctions d'ordonnateurs
et de comptables publics sont incompatibles » indépendamment de ses aménagements.
En outre, il est cité dans différentes lois organisant les règles applicables aux
« administrations publiques ». Le Code général des collectivités territoriales
(CGCT)25 le précise pour chaque niveau de collectivités territoriales qu'il
concerne26. Le principe ne figure pas dans la Constitution, à moins de le relier au
principe libéral de séparation des pouvoirs posé par l'article 16 de la Déclaration des
droits de l'Homme et du citoyen. Pour autant, rien n'empêcherait une telle constitutionnalisation.
Le Conseil constitutionnel a précisé que, « le pouvoir constituant est
souverain ; qu'il lui est loisible d'abroger, de modifier ou de compléter des dispositions
de valeur constitutionnelle dans laforme qu'il estime appropriée »27. Une partie
de la doctrine avait suggéré de le constitutionnaliser : « compte tenu de l'importance
19. Si le principe politique de séparation des pouvoirs est consacré par l'article 16 de la DDHC, le
principe de séparation des ordonnateurs et des comptables publics ne figure pas expressément dans la
Constitution.
20. MAGNET J., Les comptables publics, LGDJ, 1995, p. 7.
21. BOUVIER M., ESCLASSAN M-C., LASSALE J.-P., Finances publiques, op. cit., p. 440.
22. Ibid.
23. MAGNET J., Les comptables publics, op. cit., p. 7.
24. L'article 20 du RGCP disposait que « les fonctions d'ordonnateur et celles de comptable public
sont incompatibles. Toutefois, pour les recettes qu'ils sont chargés de recouvrer, les comptables des administrations
financières mentionnés à l'article 69 exercent certaines des activités dévolues aux ordonnateurs
». Implicitement, on retrouve une expression du principe à l'article 11 : « les comptables publics
sont seuls chargés [...] ».
25. Le décret GBCP ne concerne que l'État et les organismes publics visés à l'article 3 dudit décret.
26. Pour les communes, il apparaît à l'article L. 2122-5 du Code général des collectivités locales. Le
principe se déduit également du dispositif de mise en œuvre. Ainsi, le CGCT détaille qui sont les ordonnateurs
principaux des communes (article L. 2342-1 CGCT : le maire), des départements (article L. 3221-2
CGCT : le président du Conseil général) et des régions (article L. 4231-2 CGCT : le président de Conseil
régional). Par ailleurs, il dispose aux articles L. 1617-1 et L. 1617-4 du CGCT que les comptables publics
locaux sont des comptables publics du Trésor. Ensuite, il décrit pour chaque strate de collectivité les rôles
de chacun des acteurs et les procédures à suivre.
27. Décision nº 92-312 DC, 2 septembre 1992, Traité sur l'Union européenne.

Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Tome 76 - La responsabilité juridique à l'épreuve de la gestion

Table des matières de la publication Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Tome 76 - La responsabilité juridique à l'épreuve de la gestion