Bibliothèque de droit privé - Tome 619 - La prérogative contractuelle - 275

LA TITULARITÉ DE LA PRÉROGATIVE CONTRACTUELLE
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exerce l'agrément. En effet, les statuts prévoient classiquement que les décisions
sont prises à la majorité des voix. Le gérant-associé s'engage, lui, à respecter le
résultat de la délibération. Ces exemples de titularité unitaire n'ôtent pas à la prérogative
son caractère unilatéral.
302. Préservation du caractère unilatéral de la prérogative. Malgré le détour
par l'unanimité ou la majorité des volontés des personnes qui forment la partie
conjonctive, la prérogative reste unilatérale. La préservation de ce caractère unilatéral
découle de la différenciation entre le processus d'élaboration de la décision
et le choix opéré, comme résultat de ce processus. Le terme de décision regroupe
ces deux aspects. Leur confusion n'est pas problématique lorsque processus et
choix résultent d'une seule et même personne. Toutefois, lorsque personnes et
parties sont distinguées, ces deux étapes doivent l'être aussi. Le caractère unilatéral
de la prérogative s'appuie sur la notion de partie au contrat, par opposition
avec les autres parties qui la subissent. L'unilatéralisme prend place dans l'antagonisme
du contrat en ce que la prérogative s'oppose au consensus normalement
exigé. Le processus d'élaboration de la décision est indifférent à sa nature. Qu'une
personne arbitre dans son for intérieur les « pour » et les « contre » de ses choix
éventuels ou qu'elle arbitre avec autrui importe peu. Il suffit pour s'en convaincre
d'envisager une société en tant que partie dans un contrat avec autrui. L'exercice
des prérogatives contractuelles dont elle dispose peut procéder de la seule évaluation
du gérant, ou bien d'un vote collectif des associés. Il n'en demeure pas moins
que c'est en tant que personne unique qu'elle impose la modification décidée visà-vis
de son cocontractant. Il ne faut donc pas assimiler le processus d'élaboration
de la prise de décision, qui peut faire intervenir plusieurs voix, à la décision
juridique en tant que telle, liée à la partie unique au contrat qui en est titulaire.
303. conclusion de la section. La détermination de la qualité de potentior est
variable selon qu'on se place dans une partie unique ou dans une partie conjonctive.
La titularité s'avère exclusive dans la majorité des cas. Elle est corrélée à
l'intérêt exclusif que le potentior a au bénéfice de la prérogative. En outre, elle ne
peut pas faire l'objet d'une dissociation : l'intérêt à la modification ne se confond
pas avec l'intérêt à faire constater la force obligatoire de la modification. D'autres
hypothèses illustrent des cas de cotitularité. Celle-ci s'entend de deux manières.
La cotitularité est « divise » lorsque toutes les parties au contrat sont titulaires de
prérogatives identiques. Les conflits entre exercice se règlent par l'application de
l'adage Prior tempore, potior jure, à moins qu'une hiérarchie ait pu être établie
concernant l'intérêt protégé par la prérogative. La cotitularité est « commune »
lorsqu'une seule partie, dite plurale au sein d'un contrat conjonctif, se partage le
bénéfice d'une prérogative contractuelle. La question de la titularité rejoint là
celle du champ de l'effet de la prérogative exercée. Confronter la conjonctivité à
l'exercice de la prérogative contractuelle met en lumière la difficulté que pose l'assimilation
traditionnelle entre partie et personne. Elle révèle les conflits entre les
intérêts divergents de membres d'une même partie au contrat face à la modification
que permet la prérogative. Angle mort de la théorie du contrat, la partie
plurale n'est traitée dans la loi que sous l'angle des obligations et évince, de ce fait,
le vaste champ des droits potestatifs. Le principe de représentation objective est le
plus à même de régler la répartition de l'effet de la prérogative sur les membres de
la partie plurale. Ce tour de vue des modes de titularité des prérogatives n'épuise
pas l'étude de la qualité de potentior. Une fois déterminée, celle-ci peut encore
faire l'objet de changements.

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