Bibliothèque de droit privé - Tome 619 - La prérogative contractuelle - 297

LA BONNE FOI
281
la question n'est pas sans rappeler les « paragraphes caoutchoucs » de Roubier50
:
il y a autant de conceptions que d'auteurs. Néanmoins, de telles distinctions ne
sont pas pertinentes pour l'étude de l'exercice des prérogatives contractuelles. La
Chambre commerciale a, en effet, établi la condition de loyauté de leur exercice
sur le fondement de « la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées
de bonne foi »51
milées52
mentale que la loi exige des contractants et qui se comprend comme le respect de
la confiance mutuellement accordée.
travers de la notion d'abus53
vaient l'abus à l'intention de nuire54
324. abus et bonne foi. La confiance est également protégée, dans le contrat, au
. Ripert et bon nombre d'auteurs avant lui circonscri.
Elle ne suffit pas pour en décrire toutes les manifestations.
L'abus est, chez Josserand, un concept fondé sur un critère « à la fois social
et téléologique » : celui de l'esprit des droits55
Dès lors, l'exercice abusif des droits est relié au détournement de leur but, de leur
esprit, de leur finalité. On connaît les objections de Planiol57
et celles de Ripert58
. Suivant cette théorie, tous les droits
subjectifs ont une fonction qui justifie que la société les accorde aux sujets de droit
afin que « les égoïsmes individuels » soient mis « au service de la communauté »56
.
.
l'exécution du contrat, op. cit., qui a le premier opposé au « contenu négatif » de la « loyauté du
contractant » le « contenu positif » de la « loyauté contractuelle ». L'auteur ne semble pas, toutefois,
appuyer sa théorie sur une comparaison entre les notions de bonne foi et de loyauté.
50. P. Roubier, Théorie générale du droit, op. cit., n° 13, p. 117.
51. Cass. com. 10 juil. 2007, loc. cit.
52. Y. Picod, Le devoir de loyauté dans l'exécution du contrat, op. cit., spéc. n° 6, p. 11-13, et 65-4,
p. 82, qui associe la bonne foi à la loyauté contractuelle. B. Jaluzot, La bonne foi dans les contrats,
Étude comparative de droit français, allemand et japonais, préf. F. Ferrand, Dalloz, 2001, n° 1705 et s.,
p. 498 et s. B. Oppetit, « Éthique et vie des affaires », in Mél. A. Colomer, Litec, 1993, p. 319,
spéc. p. 323 ; Y. Loussouarn, « Rapport de synthèse », in La bonne foi, Travaux de l'Association Henri
Capitant, (Journées Louisianaises - 1992), t. XLIII, Litec, 1994, p. 7. J. Ghestin, G. Loiseau,
Y.-M. Serinet, Traité de droit civil. La formation du contrat, op. cit., n° 340. F. Zenati-Castaing,
T. Revet, Cours de droit civil, Contrats..., op. cit., n° 170. P. Le Tourneau et M. Poulmarède, « La
bonne foi dans l'exécution du contrat », in Répert. dr. civ., Dalloz, janv. 2017, (actu. avr. 2019), n° 87 :
« la bonne foi, de rigueur dans les contrats, se pare volontiers d'un autre nom : la loyauté, dont la
coloration morale, qui demeure, est évidente ».
53. Si la théorie de l'abus de droit s'est, à l'origine, illustrée en matière de droits réels, le droit des
contrats tend à en « devenir la terre d'élection », V. L. Cadiet et P. le Tourneau, « Abus de droit », in
Rep. civ., op. cit., spéc. n° 76.
54. G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, op. cit., n° 92 et s., p. 162 et s.
55. L. Josserand, De l'esprit des droits et de leur relativité..., op. cit., spéc. n° 292-293, p. 395.
Adde A. Pirovano, « La fonction sociale des droits : Réflexions sur le destin des théories de Josserand »,
D. 1972. 67.
56. Ibid.
57. M. Planiol, Traité élémentaire de Droit civil, t. II, LGDJ, 9e
éd., 1922-1924, n° 871 : « Parler
d'abus de droit c'est donc énoncer une formule inutile et même se livrer à une logomachie : car si j'use
de mon droit mon acte est licite et quand il est illicite c'est que je dépasse mon droit et que j'agis sans
droit ». Comp. L. Josserand, De l'esprit des droits et de leur relativité..., op. cit., n° 245 : « on peut
parfaitement avoir pour soi tel droit déterminé, et cependant avoir contre soi le Droit tout entier ». Sur
l'opposition de Planiol, V. toutefois J. Flour, J.-L. Aubert, E. Savaux, Droit civil, Les obligations, t. 2,
Le fait juridique, op. cit. n° 121 : « L'objection n'était sans doute que verbale, car il s'agit, précisément,
de savoir si celui qui exerce un droit de façon déraisonnable - c'est-à-dire comme une personne avisée
ne l'aurait pas fait - ne commet pas, par là même, une faute. Aussi bien Planiol écrivait-il lui-même
" le droit cesse où l'abus commence " ».
58. G. Ripert, « L'exercice des droits et la responsabilité civile », Rev. crit. législ. et jur. 1906.
352 ; « Abus et relativité des droits », Rev. crit. législ. et jur. 1929. 33.
. À l'instar de nombreux auteurs, loyauté et bonne foi seront assi.
Elles renvoient de façon identique à une vertu, une qualité comporte
Bibliothèque de droit privé - Tome 619 - La prérogative contractuelle

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit privé - Tome 619 - La prérogative contractuelle
