Bibliothèque de droit privé - Tome 619 - La prérogative contractuelle - 356

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LA PRÉROGATIVE CONTRACTUELLE
une partie de la clientèle de son cocontractant393
. Outre ces avantages « en
nature », le profit peut résulter d'un détournement dans la mise en œuvre d'une
prérogative de fixation unilatérale du prix. Dans ce cas, le profit est illégitime.
378. Le profit illégitime dans la fixation et la modification unilatérale du prix.
La prérogative contractuelle est détournée lorsque son titulaire recherche, par le
biais de sa mise en œuvre, à obtenir un profit qui ne lui revenait pas. La cupidité
du potentior constitue le mobile de cette finalité. La faute peut se manifester à
l'occasion des prérogatives de fixation et de modification unilatérales du prix394
.
Par ses arrêts Alcatel et avant même les arrêts d'Assemblée Plénière du 1er
1995395
décembre
, la Cour de cassation a consacré cette forme de déloyauté. Elle affirme que
. La terminologie
l'abus (qui n'était pas caractérisé en l'espèce) consiste pour le fournisseur à
« majorer son tarif dans le but d'en tirer un profit illégitime »396
utilisée n'a pas manqué d'être critiquée397
, mais elle prend sens au regard de la
conception finalisée de la prérogative de fixation du prix.
Le profit illégitime n'a pas pour corollaire la détermination du « juste prix ».
Il repose sur le contrôle des facteurs pris en compte par le créancier pour fixer le
prix. Certains sont légitimes, d'autres ne le sont pas. Comme en matière de fixation
judiciaire du prix dans le contrat d'entreprise398
nelle »399
du créancier du prix, la « qualité du travail fourni »400
services rendus »401
contrat402
, la « qualification profession,
« l'importance des
, ou encore la faculté pour le sujet passif de mettre un terme au
constituent autant d'éléments susceptibles d'écarter l'abus à condition
que l'évaluation monétaire qui en est faite soit pertinente. À l'inverse, certains
éléments ne doivent pas influer sur la fixation du prix. La censure s'impose face
au concédant qui argue de la situation financière de son entreprise, de son
393. En ce sens, CA Versailles, 12e
op. cit.
396. Cass. civ. 1ère
, 29 nov. 1994, n° 91-21.009, op. cit.
397. P. Stoffel-Munck, D. 2002. 1974 sous Cass. com. 15 janv. 2002, n° 99-21. 172, spéc. note
13 : « Outre que, dans une économie de marché, la recherche du profit selon des voies licites est le
moteur même de l'activité de chacun, salariés et concessionnaires inclus, cette expression laisse la part
trop belle à toutes les divergences d'appréciation selon la sensibilité partisane de chacun. La formule
« Le profit doit être légitime » n'a pas la précision nécessaire pour constituer une règle de droit. C'est
tout au plus un slogan politique, une flèche de plaidoirie, qui mérite de rester extérieur à la terminologie
technique des décisions de justice ». Précisément pourtant, dans une économie de marché, il est
surprenant de permettre à un contractant d'en faire fi. L'expression « profits illégitimes » présente
certains risques, qui peuvent toutefois être contrecarrés par une application rigoureuse de sa définition.
V. égal. J. Moury, « La fixation unilatérale du prix dans le contrat cadre », AJCA 2016. 123 : « Quant
au recours - déjà confus - à un profit « illégitime », il paraît d'autant moins pertinent que c'est en
application d'une disposition conventionnelle expressément prévue par la loi que l'auteur de la
fixation unilatérale du prix y procède désormais ».
398. V. J. Moury, « La détermination du prix dans le " nouveau " droit commun des contrats »,
D. 2016. 1013, spéc. n° 9. Rappr. l'article L. 442-1, I, 1° du Code de commerce, qui sanctionne « le fait
d'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage [...] manifestement disproportionné au
regard de la valeur de la contrepartie consentie » dans le cadre de l'exécution du contrat, à ceci près
que le terme de « valeur » laisse croire à la recherche d'un prix « objectif ».
399. Ibid. ; V. Cass. civ. 1ère
400. Ibid. ; V. Cass. civ. 1ère
, 30 juin 1992, n° 89-21.970.
P.-Y. Gautier.
401. Ibid. ; V. Cass. civ. 1ère
402. Cass. civ. 1ère
, 18 nov. 1997, n° 95-1.161 ; RTD civ. 1998. 372, J. Mestre ; p. 402,
, 19 juin 1990, n° 88-20.270 ; D. 1991. 317, J.-L. Aubert.
, 30 juin 2004, Bull. civ. I, n° 190, op. cit.
ch., 30 mars 1994 ; D. 1995. 85, cité par P. Stoffel-Munck,
L'abus dans le contrat.., op. cit., p. 99, note 499.
394. En ce sens, V. L. Cadiet et P. le Tourneau, « Abus de droit », op. cit., n° 87.
395. Cass., Ass. plén., 1er
déc. 1995, n° 91-19.653, n° 91-15.578, n° 91-15.999, n° 93-13.688,
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