Bibliothèque de droit privé - Tome 619 - La prérogative contractuelle - 78

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LA PRÉROGATIVE CONTRACTUELLE
64. L'émancipation de la force obligatoire. La difficulté principale réside dans
l'acception qu'on retient du principe de force obligatoire. Monsieur Siri a démontré
que sa compréhension a nettement évolué depuis 1804246
, tandis que Monsieur
Ancel s'est interrogé sur la réalité actuelle de la règle et les nombreuses entorses
qu'elle connaît247
lisme, en intégrant le droit positif, tend indéniablement à remettre en cause la confusion
entre intangibilité et force obligatoire »249
. Les canonistes médiévaux à l'origine
de la formulation de la règle Pacta sunt servanda ne s'embarrassent pas de l'idée de
fixité du contrat pour exprimer son essence : « Les actes du chrétien doivent toujours
en effet être fondés sur la vérité. Le fidèle se doit d'être fidèle à sa parole ; celui
qui promet et ne tient pas sa promesse agit contrairement à la vérité, il trompe son
prochain et commet un péché mortel. Le respect de la parole donnée a donc d'abord
été posé comme une règle morale, fondée sur les Écritures et sur la jurisprudence des
Pères de l'Église. C'est au XIIIe
siècle que cette règle morale se mua en obligation
juridique. La solution dut s'imposer face au principe contraire hérité du droit
romain et au formalisme contractuel de l'époque féodale. Mais elle finira par l'emporter
et sera définitivement adoptée en France dans la première moitié du
XVe
voit tout et face auquel nul ne doit jamais mentir, que l'on a fini par donner force
juridique à la parole et aux écrits des hommes »250
.
La force obligatoire apparaît comme la traduction prosaïque, car contraignante,
du fondement même de l'idée de contrat qui réside dans la confiance
qu'une partie place dans son cocontractant eu égard à l'exécution de ses engagements251
,
alors
; mais
. Si la volonté n'est pas « l'âme ni le signe distinctif du contrat »252
qu'est ce qui fait son essence ? La création de normes répond Rouhette253
qu'est-ce qu'une norme sinon une règle spécifiée par son caractère contraignant ?
La force obligatoire s'impose comme la quintessence de la notion de contrat, parce
qu'elle exprime une nécessité avant d'être une règle juridique. On contracte car
c'est le moyen de satisfaire un intérêt. Pour obtenir cette satisfaction, il faut tenir
la promesse qu'on a faite en retour. On tient sa promesse parce qu'on a confiance
dans le fait que l'autre partie fera de même, elle aussi guidée par la recherche de la
246. A. Siri, « L'évolution des interprétations du principe de la force obligatoire du contrat de
1804 à l'heure actuelle », Rev. rech. jur., 2008. 1342.
247. P. Ancel, « La force obligatoire, jusqu'où faut-il la défendre ? », op. cit.
248. Ibid.
249. P. Lemay, Le principe de la force obligatoire du contrat à l'épreuve du développement de
l'unilatéralisme, op. cit. et loc. cit., n° 78, p. 143.
250. A. Supiot, « La contractualisation de la société », Courrier de l'environnement de l'INRA,
n° 43, mai 2001, p. 51, spéc. p. 54 ; « La relativité du contrat en question », in La relativité du contrat,
Travaux de l'Association Henri Capitant, Tome IV, LGDJ, 1999, p. 183, spéc. p. 202.
251. V. G. Rouhette, Contribution à l'étude critique de la notion de contrat, op. cit., p. 409 et s. ;
E. Lévy, « La confiance légitime », RTD civ. 1910. 717, spéc. p. 720 : « Le contrat est le rapport de
confiance légitime » ; Égal., G. Morin, « La désagrégation de la théorie contractuelle du Code »,
Arch. philo. dr., 1940, spéc. p. 20 : la force obligatoire se fonde sur « les nécessités du bon ordre social
qui exige que la confiance réciproque règne entre les hommes par l'observation des engagements ».
252. G. Rouhette, Contribution à l'étude critique de la notion de contrat, op. cit., p. 631 ; Dans le
même sens, E. Gounot, Le principe de l'autonomie de la volonté en droit privé, Contribution à l'étude
critique de l'individualisme juridique, Paris, 1912.
253. G. Rouhette, Contribution à l'étude critique de la notion de contrat, op. cit., p. 638.
siècle [...] C'est donc parce qu'on a cru en l'existence d'un Dieu unique, qui
. La controverse n'a pas manqué de porter sur ce qu'il faudrait
. Pourtant, « l'unilatérafaire
de la force obligatoire, entre défense du rigorisme de la parole donnée et éloge
de la modération par le juge dans l'intérêt des plus faibles248
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