Bibliothèque de droit privé - Tome 619 - La prérogative contractuelle - 97

NATURE JURIDIQUE DE LA PRÉROGATIVE CONTRACTUELLE
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successorale qui « se prescrit par dix ans » aux termes de l'article 780 du Code
civil. La jurisprudence a entériné cette solution89
, malgré quelques hésitations90
.
Néanmoins, la thèse d'une catégorie de droits imprescriptibles eu égard à leur
nature suscite l'intérêt. En effet, la prescription extinctive n'est pas un mécanisme
qui s'applique indifféremment à tous les droits subjectifs. Consistant en « un
mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un
certain laps de temps »91
, il faut la confronter aux prérogatives contractuelles.
86. La prescription extinctive. Simple en apparence, le mécanisme de la pres.
Garante de
droit non exercé pendant un temps prolongé94
, la prescription protège le sujet passif d'un
. Il s'agirait alors de consolider une
cription est traditionnellement présenté comme voué à « consolider les situations
de fait qui ont duré un certain temps en pérennisant le statu quo »92
la sécurité juridique et institution du droit civil « la plus nécessaire à l'ordre
social » selon Bigot de Preameneu93
situation de fait en éteignant le droit, trop longtemps délaissé, qui viendrait la
contredire95
.
. La simplicité de la présentation tranche avec la complexité des théories
avancées pour décrire et expliquer l'effet extinctif de la prescription. Les
défenseurs des conceptions substantialiste et processualiste se sont opposés96
Chacune de ces thèses peut être décrite de façon schématique : la théorie processualiste
consiste à penser que la prescription n'éteint pas le droit substantiel mais
le droit d'action en justice qui lui est rattaché, tandis que la théorie substantialiste
défend l'idée de l'extinction du droit substantiel, indépendamment de toute instance
en justice. Les textes légaux ne sont d'aucune aide. À l'appui de la thèse
processualiste, les articles 2224 et 2227 du Code civil régissent le droit commun de
la prescription des « actions personnelles ou mobilières » pour le premier de ces
textes, et des « actions réelles immobilières » pour le second. En faveur de la thèse
substantialiste, l'article 2219 définit la prescription comme le « mode d'extinction
d'un droit ». Le législateur de 2008 n'a pas souhaité trancher entre ces différentes
analyses97
. Madame Bandrac a par ailleurs démontré que la conception substantialiste,
loin d'être unitaire, connaissait des nuances variables chez ses partisans,
en particulier chez les auteurs modernes. La thèse substantialiste traditionnelle
s'avère aussi être la plus désuète, qui consiste à voir dans la prescription extinctive
la pleine destruction du droit substantiel dans toutes ses dimensions98
. Le caractère
automatique, indépendant de toute volonté, de cette conception de la prescription
substantialiste a précipité la théorie dans les limbes. Le droit positif a
89. Par ex. Cass. civ. 1ère
, 4 juill. 2012, n° 11-10.594.
90. Par ex. Cass. civ. 28 févr. 1881, qui parle de « l'héritier déchu » ou encore « frappé de
déchéance par la prescription ».
91. Art. 2219 C. civ.
92. J. François, Traité de droit civil, t. 4, Les obligations, Régime général, op. cit., n° 162.
93. Ibid.
94. V. égal. J. Carbonnier, Droit civil, t. 1, op. cit., n° 172.
95. V. l'analyse de M. Bandrac, La nature juridique de la prescription extinctive en matière civile,
préf. P. Raynaud, Économica, 1986.
96. Sur ce point, V. M. Bandrac, La nature juridique de la prescription extinctive en matière
civile, op. cit., n° 6 et s., p. 22 et s.. L'auteur conclut au rejet de la thèse purement processualiste,
considérant que la prescription éteint non seulement l'action mais aussi le droit et l'instance.
97. M. Bandrac, « La nouvelle nature juridique de la prescription extinctive en matière civile »,
RDC 2008. 1413 ; S. Amrani-Mekki, « Liberté, simplicité, efficacité, la nouvelle devise de la
prescription ? À propos de la loi du 17 juin 2008 », JCP G. 2008.I.160.
98. M. Bandrac, La nature juridique de la prescription extinctive en matière civile, op. cit., n° 8,
p. 22.
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