Bibliothèque de droit social - Tome 83 - Les clauses sociales - 187

L'IMPOSSIBLE RÉDUCTION DU DROIT DU TRAVAIL À UNE FONCTION CONCURRENTIELLE 173
instrument réglementant les importations, la clause sociale voit donc cet aspect
conditionner non seulement son fonctionnement, mais jusqu'à son déclenchement.
Ainsi, la marge d'interprétation laissée à l'administration conduit parfois à
des prises de position à tout le moins surprenantes au regard de la finalité affichée
de protection des droits des travailleurs. Ainsi, en contradiction avec la vision
développée par l'OIT105
des droits sociaux fondamentaux, la notion de droit des
. Cette dernière étant qualifiée, pour l'exclure
. De même, alors
travailleurs internationalement reconnus n'a pas été considérée comme recouvrant
le meurtre d'un syndicaliste106
des cas visés par le SPG, de violation des droits de l'homme107
que la Malaisie avait interdit les syndicats dans le secteur de l'électronique, la
simple rétractation de cette dernière pour n'autoriser toutefois que les syndicats
d'entreprise, « in-house union », a été considérée comme le fait de faire un pas en
avant par l'administration américaine. À nouveau en opposition avec la conception
de la liberté syndicale défendue par l'OIT108
libre et indépendant quelle que soit sa structure109
qui suppose un syndicalisme
.
280. Cette flexibilité, qui a pu donner l'image d'une absence de colonne vertébrale
du dispositif et d'une logique exclusivement politique, a accrédité un autre
thème de contestation, celui lié à la souveraineté. C'est sans doute celui-ci qui
souligne avec le plus de clarté le paradoxe du système américain dans la mesure
où, bien qu'il prétende défendre des droits internationalement reconnus, il ne
s'appuie justement pas sur le référentiel juridique qui a fait l'objet d'un consensus
international, les conventions internationales du travail. Cette autonomie le
conduit donc à juger du respect d'un ou plusieurs droits du travail et plus largement
de la conformité du droit national d'un pays bénéficiaire ou souhaitant
l'être au regard d'une appréciation, du contenu qu'il donne à ces droits110
qu'il
105. Le comité pour la liberté syndicale de l'OIT a en effet explicitement souligné que les
représailles contre des syndicalistes doivent être considérées comme une entrave à la liberté syndicale :
« A climate of violence such as that surronding the murder or disappearance of trade union leaders
constitues a serious obstacle to the exercise of trade union rights » Voir sur ce point, International
Labour office, « Freedom of association : digest of decisions and principles of the freedom of
association commitee of the governing body of the ILO », 3rd ed. 1985, p. 20.
106. GSP subcommitee, 1990 GSP Annual reviews : worker rights summary : El Salvador 2
(april 1991) cité par P. ALSTON « Labor Rights Provisions in U.S. Trade Law : " Aggressive
Unilateralism " ? » Hum. Rts. Q. vol. 15, n° 1-2, 1993, p. 11 et s.
107. Pour une vive critique à laquelle nous souscrivons, voir « P. ALSTON Labor Rights
Provisions in U.S. Trade Law : " Aggressive Unilateralism " ? », Hum. Rts. Q. vol. 15, n° 1-2, 1993,
p. 11 et s.
108. Sur ces confrontations, voir B. HEPPLE « Labour laws and global trade » Hart publishing
2005 p. 95. Sur l'exemple cité voir US General accounting office, International trade : assessment of
the generalized system of preferences, GAO/GGD-95-9, November 1994, pp. 108-110.
109. Pour une analyse détaillée de la difficulté de syndicalisation dans cette branche et, des
oppositions successives du gouvernement allant jusqu'à plaider la faible syndicalisation des pays du
G7, afin de relativiser sa restriction aux droits syndicaux, voir Marvin J. LEVINE, « Worker Rights
and Labor Standards in Asia's Four New Tigers A Comparative Perspective », Springer, 1997,
p. 381 et s.
110. Pour une distinction entre ceux ayant fait l'objet d'une constitutionnalisation ou pas, ceux
qui relèvent des politiques sociales et de l'état providence, à l'échelon européen, voir C. MARZO « La
protection des droits sociaux dans les pays européens » Revue internationale de droit comparé.
vol. 63 n°2, 2011. pp. 203-224. Voir également P. AMSELEK, « La teneur indécise du droit »
RDP 1991, pp. 1202-1203. L'auteur souligne à juste titre que si la norme juridique entretient des liens
étroits avec l'énoncé normatif qui l'exprime, ce dernier ne révèle pas toujours, de lui-même, sa
signification normative effective. La dimension subjective des normes a été soulignée : n'étant que du
sens, elles sont ce que les sujets de droit comprennent des énoncés normatifs qui les expriment.

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