Bibliothèque de droit social - Tome 83 - Les clauses sociales - 236

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LES CLAUSES SOCIALES
donc soldé par un rejet des prétentions de l'entreprise américaine. La mise en
lumière de ce raisonnement est louable, car dans le cas contraire il est remarquable
que le droit de grève aurait pu devenir un risque contentieux particulièrement
important et fréquent pour un pays. Et ce, alors même que le déploiement
de forces de police ne garantit jamais une entreprise contre les risques de débordement
d'une manifestation. Par cette décision, l'exercice de cette liberté est préservé
tout comme elle permet d'éviter la tentation pour le pays d'adopter une
législation qui l'encadrerait plus strictement pour éviter un éventuel contentieux.
368. Cependant, en l'état et à défaut de clauses sociales particulièrement poussées,
les États parties à un accord de libre-échange incluant un chapitre sur l'investissement
ou, à un traité bilatéral d'investissement, demeurent exposés à ce type des
contentieux arbitraux remettant en cause leur droit à réglementer le travail. Comme
le relève Eric Loquin, incorporer la question du droit apparaît toutefois mal aisé en
l'état du système juridique actuel. L'auteur évoque en conséquence la nécessité de
conduire des réformes et l'arbitrage international développé en matière commercial,
lequel « ne saurait être transposé tel quel au domaine social »183
.
B. LE DROIT DU TRAVAIL COMME EXCEPTION
À LA PROTECTION DES INVESTISSEMENTS
369. Aussi, outre les hypothèses de prise en compte du droit du travail dans
le silence des normes internationales évoquant l'investissement, il convient maintenant
d'aborder les tentatives de construction de préférences collectives en
matière sociale telles qu'elles pourraient émerger dans le corps des instruments de
droit international économique réglementant les investissements. Si nos développements
précédents ont souligné la possibilité d'une compatibilité du droit du
travail avec le droit international des investissements étrangers, il n'en demeure
pas moins que des clauses sociales s'avèrent opportunes et nécessaires.
370. Leur existence conditionne en effet la possibilité de défendre leur droit de
réglementer les valeurs non marchandes pour les États184
. Au-delà, elles se pré.
sentent
comme un outil d'articulation entre les intérêts des peuples et du marché185
Les clauses sociales en matière de traités d'investissement pourraient en effet
prendre plusieurs formes déjà existantes en vue de contrebalancer la prise en
compte des intérêts des multinationales qui s'incarnent dans la protection de leur
investissement. À titre liminaire, il faut relever qu'un État peut exclure, au moment
de son adhésion, certaines catégories de différends qu'il veut soustraire à la compétence
du CIRDI au titre de l'article 25. 4) de la Convention de Washington186
. Le
mécanisme pourrait parfaitement être mobilisé en droit du travail ou plus
183. E. LOQUIN, « L'arbitrage comme instrument d'application des droits sociaux
fondamentaux », in M.-A. MOREAU, H. MUIR-WATT, P. RODIERE (dir.), Justice et mondialisation
en droit du travail, Dalloz, 2010, pp. 223-234, spéc., p. 225 et s.
184. Pour une étude d'ensemble de la question, voir D. GAUKRODGER, (2017), " The balance
between investor protection and the right to regulate in investment treaties : A scoping paper " , OECD
Working Papers on International Investment, 2017/02, OECD Publishing, Paris.
185. ILO studies « World Commission on the Social Dimension of Globalisation, A Fair
Globalization : Creating Opportunities For All », février 2004, p. vii.
186. Sur l'analyse de cette faculté et plusieurs exemples dont ceux de la Jamaïque, de la
Papouasie-Nouvelle-Guinée, de l'Arabie Saoudite, de la Turquie, de la Chine, du Guatemala, voir
C.H. SCHREUER, The ICSID Convention. A Commentary, Cambridge, 2001, Cambridge Universiy
Press, p. 344.

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