Bibliothèque de droit social - Tome 83 - Les clauses sociales - 55

LE RENOUVEAU DU DROIT DU TRAVAIL DANS LE DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 41
Toutefois, cette analyse est quelque peu extensive, en ce qu'elle s'attache avant
tout au résultat sur la concurrence entre produits nationaux et importés, et n'est
d'ailleurs pas mobilisée de manière générale31
. Pour préciser cette difficulté, il
convient d'analyser l'approche qu'ont adoptée les rédacteurs de l'article III du
GATT de 1994. Ce dernier ne fait état que des produits importés par comparaison
avec ceux commercialisés au sein du marché national. À condition que ces
derniers puissent être qualifiés de similaires, ils devront donc faire l'objet d'un
traitement égal. À défaut, un État membre pourra se voir reprocher la violation
de l'obligation de non-discrimination. Or, cette construction du traitement national
en matière d'imposition repose sur un postulat, la prise en compte exclusive
du produit fini. Le raisonnement peut naturellement se dupliquer en matière de
service32
service, est l'indifférence pour les modalités et conditions de sa fabrication. Ce qui
débouche sur une situation paradoxale en matière de commercialisation et donc
de concurrence dans la distribution mondiale des produits. Un pays peut être
amené à réglementer et dans une certaine mesure à interdire, la vente d'un produit
lorsqu'il induit un processus de fabrication qu'il souhaite proscrire. Or, il ne
pourra exciper de cette interdiction, qui est basée sur les modalités de production,
pour refuser l'importation d'un produit étranger. Le raisonnement peut surprendre,
en ce qu'il revient en pratique à discriminer favorablement les entreprises
exportatrices en les dispensant des contraintes juridiques que respectent les
acteurs du marché qu'elles visent.
60. Il aurait été parfaitement envisageable, sur la base de l'article III.4, de
juger qu'une restriction lorsqu'elle touche également les produits nationaux, ne
viole pas la clause de traitement national33
. Le raisonnement doit cependant être
compris en sens inverse. Dès lors que seul le produit fini compte, interdire ou
taxer un produit concurrent pour des raisons qui ne tiennent pas à ses qualités
intrinsèques, revient à en bloquer l'accès de manière injustifiée et donc discriminatoire34
.
L'analyse de plusieurs contentieux dans le secteur de la pêche éclaire
cette interprétation stricte de la clause de traitement national relativement à la
question de la législation sur les moyens de fabrication. La première affaire
emblématique qui a permis de disqualifier les moyens de production, est venue
d'une loi américaine sur la protection des mammifères marins avant la création
de l'OMC. Cette dernière visait à limiter la pêche au thon, par le respect de certaines
exigences techniques, afin que la protection des dauphins puisse être
garantie. Or, dans le souci de donner un effet utile à cette interdiction, tout en ne
le secteur national chilien se trouvait donc largement favorisé. Concrètement, 95 % des alcools
importés seraient taxés à 47 % ad valorem, contre une taxe de seulement 27 % ad valorem, pour 75 %
de la production locale avec ce système.
31. Sur les difficultés soulevées par cette jurisprudence au regard des capacités normatives des
. Le corollaire de cette focalisation sur l'état final d'un produit ou d'un
États, voir G. VERHOOSEL, National Treatment and WTO Dispute Settlement : Adjudicating the
Boundaries of Regulatory Autonomy, Bloomsbury, 2002, 144p. ; E. S. TSAI, « " Like " is a Four- Letter
Word - GATT Article III's " Like Product " Conundrum », Berkeley J. Int'l L., 1999, vol. 17, n° 1,
p. 26 et s.
32. Voir article XVII du GATS.
33. A. ANDRIEUX, Encadrement normatif de « l'agroaliment » et développement durable, Thèse
Université Paris I, 2015, p. 198.
34. Voir, à titre d'illustration du principe de manière générale ORD, République dominicaine -
Importation et vente de cigarettes, WT/ DS302/ AB/ R, 25 avril 2005, § 93. L'ORD rappelle à cette
occasion qu'aucun pays ne peut adopter ou maintenir sur son marché national de mesures légales qui
viendrait à « modifier les conditions de concurrence au détriment des produits importés ».

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