Bibliothèque de droit social - Tome 83 - Les clauses sociales - 56

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LES CLAUSES SOCIALES
pénalisant pas ses industriels dans le secteur de la pêche, l'importation des produits
violant ces conditions a été interdite. Dans le prolongement de cette politique,
un embargo a donc ciblé les produits mexicains. Suite à une réclamation
du Mexique, un groupe spécial a conclu que les États-Unis ne pouvaient empêcher
l'importation du thon au seul motif que sa production contrevenait à leur
droit national. Peu importait, de ce point de vue, que ses propres entreprises y
soient soumises35
. Par la suite, une nouvelle loi a été promulguée aux États-Unis
enjoignant les crevettiers de sécuriser leurs filets, dans les zones où ils étaient
susceptibles de rencontrer et capturer des espèces protégées de tortues marines.
Comme lors de la précédente affaire et, dans une perspective comparable, la loi
américaine prévoyait également que les crevettes pêchées en provenance de
l'étranger, ne pouvaient être importées lorsqu'elles l'avaient été dans des conditions
susceptibles de heurter les tortues marines. En réaction l'Inde, la Malaisie,
le Pakistan ainsi que la Thaïlande portèrent réclamation en ayant recours au
mécanisme de règlement des différends de l'ORD. L'Organe d'appel, à l'occasion
de cette affaire, va rendre une décision nuancée, mais néanmoins dans le
prolongement de l'affaire précédente, s'agissant de la recevabilité des limitations
légales à l'importation à raison des moyens de production.
61. Ainsi, la mesure adoptée par les États-Unis va être reconnue comme
satisfaisant à l'objectif environnemental prévu par l'article XX. g) du GATT de
1994 tout en considérant qu'elle s'analysait en une discrimination arbitraire et
injustifiable36
. Au-delà de la controverse possible sur l'interprétation des exceptions
envisagées par l'article XX, il est surtout remarquable que le caractère
discriminatoire soit toujours affirmé. Bien que la distinction produit/moyen de
production n'ait pas été formellement reprise, l'incorporation des moyens de production
comme élément d'appréciation légitime n'en est pas moins réfutée. La
décision de l'organe d'appel de l'ORD aboutit donc au maintien, en dehors de la
sphère des éléments légitimant une restriction, d'une législation sur les moyens de
production. Cependant, une autre approche aurait pu être envisagée37
. Dans une
perspective maximaliste, il est possible de concevoir le droit pertinent comme
composé de l'ensemble des règles auxquelles est soumise une entreprise tout au
long de la chaîne de valeur, dont la commercialisation n'est que l'aboutissement.
Dans une vision large de l'égalité de traitement, prise non plus exclusivement
comme une concession, mais également comme une série d'obligations en
vue d'instaurer une concurrence loyale, le droit du travail, le droit de l'environnement,
le droit fiscal, et d'autres branches du droit trouveraient à s'appliquer.
62. Une première étape pourrait reposer sur l'acceptation d'un standard
minimum dans ces différentes branches du droit, lorsqu'elles s'appliquent aux
acteurs économiques de manière incontournable dans le processus. Il convient de
35. ORD, groupe spécial, affaire Mexique etc. /États-Unis - Restrictions à l'importation de
thon Rapport non adopté, distribué le 3 septembre 1991.
36. ORD, États-Unis - Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à
base de crevettes WT /DS58/AB/R rapport de l'organe d'appel, 12 octobre 1998 §186.
37. Pour une critique d'ensemble de la distinction, moyen de production/produit et son
application par l'ORD voir R. HOWSE, D. REGAN, « The Product/Process Distinction - An
Illusory Basis for Disciplining " Unilateralism " in Trade Policy », European Journal of International
Law, vol. 11, n° 2, 2000, pp. 249-289. Les auteurs soulignent notamment le caractère réversible de
l'analyse proposée de l'article III et son adéquation avec une approche basée sur les méthodes de
production.

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