Bibliothèque de droit privé - Tome 620 - Le droit international privé de la famille à l'épreuve de l'impératif de reconnaissance des situations - 116

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Le droit internationaL privé de La famiLLe
À L'épreuve de L'impératif de reconnaissance des situations
B. LE NÉCESSAIRE RÉÉQUILIBRAGE
EN FAVEUR DES INTÉRêTS INDIVIDUELS
125. Le diable, dit-on, est dans les détails, et la prise en compte du contexte
dans lequel intervient l'affirmation de la suprématie des intérêts individuels doit
conduire à ne pas lui accorder un entier crédit. Il semble par exemple significatif
que lorsque Pierre Mayer affirme qu'il est « naturel qu'apparaissent au premier
plan les intérêts privés. Les ordres juridiques étatiques se constituent en vue de l'instauration
de rapports paisibles et harmonieux entre les individus. Le caractère
international d'un rapport ne remet pas en cause le souci premier que l'ordre juridique
a de leurs intérêts [...] »45
, c'est afin d'expliciter les objectifs de la coordination
des ordres juridiques qui, comme le suggère le titre de son cours général, occupe le
devant de la scène et relègue à l'arrière-plan les intérêts privés qu'elle servirait.
D'une manière générale, c'est bien la coordination qui est classiquement présentée
comme la finalité du droit international privé46
personnes privées ou, à plus forte raison, la protection de la personne47
, plutôt que la protection des
, avec cette
conséquence qu'une atteinte aux intérêts privés semble plus anodine si elle est
présentée comme un échec de coordination.
126. De fait, un regard cursif sur le droit international privé suffit à révéler
que la discipline s'accommode somme toute assez facilement des hypothèses où
les intérêts de l'ordre juridique du for l'emportent sur les intérêts privés. Pour
reprendre une synthèse formulée par Yves Lequette en termes de dialectique des
intérêts de la société internationale et de l'État du for48
, leur conciliation s'exprime
par un esprit de faveur aux relations internationales, sans aller jusqu'à leur sacrifier
la cohérence de l'ordre interne49
. Ce prisme permet de caractériser l'équilibre
atteint à la fin du XXe
siècle comme privilégiant, ou du moins préservant très
largement, la cohérence de l'ordre interne. En témoignent, pour ne mentionner
que quelques solutions apparues à des époques différentes en matière familiale50
le choix de la qualification lege fori pour résoudre les conflits de qualifications51
le rejet de la théorie des questions préalable52
tions de l'ordre public de proximité53
,
,
, ou encore les diverses manifesta.
Ce dernier exemple est sans doute le plus
45. P. Mayer, « Le phénomène de la coordination... », préc., n° 365, p. 365.
46. Ibid., et avant lui Henri Batiffol, v. les Aspects philosophiques..., préc., p. 16, pour la fameuse
référence à la préoccupation de « faire vivre ensemble des systèmes juridiques différents » qui anime
le droit international privé.
47. Ce qui, bien entendu, est en train de changer, v. infra n° 218.
48. Y. Lequette, préface de la réédition de 2002 des Aspects philosophiques... de Batiffol, préc.
49. Parfois rebaptisée « défense de la cohésion de la société dont l'État a la charge »,
v. Y. Lequette, « De la proximité... », préc., n° 3, p. 484.
50. Hors de ce domaine, l'inefficacité du choix de loi dans un contrat purement interne fournit
une autre illustration frappante ; v. sur ce point D. Bureau, H. Muir Watt, op. cit., t. II, n° 895, p. 406407,
et n° 916, p. 432, et les références citées.
51. Cass. civ., 22 juin 1955, Caraslanis, préc. Sur les justifications de la qualification lege fori,
v. infra n° 278.
52. V. Cass. 1re
note M. Simon-Depitre ; D., 1980. 549, note E. Poisson-Drocourt ; GA, n° 61, et Cass. 1re
civ., Bendeddouche, 3 janv. 1980, RCDIP, 1980. 331, note H. Batiffol ; JDI, 1980. 327,
civ., Djenangi,
22 avril 1986, JDI, 1986. 1025, note A. Sinay-Cytermann ; JCP G 1987.II.20878, note É. Agostini ;
RCDIP, 1988. 302, note J.-M. Bischoff. Cette solution n'est pour l'instant pas remise en cause par les
instruments de droit dérivé de l'Union européenne, ce qui alimente de nombreuses critiques relativement au
manque d'uniformité qui en résulte, v. S. Corneloup, « Les questions préalables... », préc..
53. Pour une synthèse de la jurisprudence relative au lien exigé entre la relation litigieuse et le for,
v. par ex. D. Bureau, H. Muir Watt, op. cit., t. I, n° 462-463, pp. 575-576 ; v. aussi infra n° 467.
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