Bibliothèque de droit privé - Tome 620 - Le droit international privé de la famille à l'épreuve de l'impératif de reconnaissance des situations - 239

L'IMPÉRATIF DE RECONNAISSANCE DES SITUATIONS ET LES MÉTHODES NOUVELLES 217
système de l'État du for »28
rence à l'ordre juridique compétent comme source d'inspiration d'une nouvelle
méthode de reconnaissance des situations.
B. CRITIQUE DE LA MÉTHODE
306. L'élaboration de la méthode de la référence à l'ordre juridique compétent
constitue, à n'en pas douter, une étape importante de la construction du droit
international privé contemporain à trois égards au moins. C'est surtout l'accent
mis sur « le point de vue de l'ordre juridique étranger », cette cheville ouvrière de
la méthode, qui a influencé de nombreuses constructions doctrinales postérieures.
La doctrine, en effet, s'est accoutumée à la suite des travaux de Paolo Picone à
raisonner en termes de points de vue concrets, c'est-à-dire à déterminer la position
d'un ordre juridique à l'égard d'une situation donnée de façon plus souple,
globale et organique que par référence à la seule loi ou règle de conflit étrangère
abstraitement considérée29
. M. Picone, ensuite, a proposé une méthode qui est
susceptible d'occuper un rang semblable à celui des autres grandes méthodes du
droit international privé. En d'autres termes, il a élaboré une théorie générale de
la mise en retrait de la règle de conflit du for, alors que les illustrations qui avaient
pu en être découvertes ou proposées par le passé n'étaient conçues que sur le
mode de l'exception. Enfin, la construction de M. Picone paraît être la première
qui, à l'époque contemporaine, ait accordé autant d'importance aux situations
constituées ex lege, au point que celles-ci se trouvent au moins formellement placées
sur un pied d'égalité avec celles qui ont été créées par un jugement ou un acte
public30
. Ces trois tendances figurent en bonne place dans les débats contemporains
qui entourent la nouvelle méthode de la reconnaissance des situations.
307. Néanmoins, la méthode de la référence à l'ordre juridique compétent
est encore trop tributaire des conceptions traditionnelles du droit international
privé pour pouvoir véritablement prétendre incarner ou même seulement
28. A. Bucher, « La dimension... », préc., n° 155, p. 260 (italiques omises), qui est plus explicite
sur ce point que M. Picone. L'exactitude de cette affirmation ne peut cependant être mise en doute,
tant les développements de l'auteur italien lui-même, ainsi que l'intégralité des règles de droit positif
qu'il propose comme exemples de mise en œuvre de sa méthode (v. infra n° 307), ne se comprennent
que par référence à une désignation abstraite et a priori de l'ordre juridique compétent ou des ordres
juridiques compétents. À cet égard, l'évocation de « règles de renvoi à l'ordre compétent à contenu [...]
" ouvert " ou du moins " souple " » ne doit pas tromper : M. Picone désigne par là les règles qui, plutôt
que d'imposer l'alignement sur le point de vue de l'ordre juridique compétent comme le font les règles
à « " contenu rigide " ou " lié " » plus répandues, ménagent une marge de manœuvre aux autorités du for
en ne faisant que prévoir une possibilité d'alignement, v. « Les méthodes... », préc., spéc. n° 39, p. 128130,
et « La méthode... », préc., n° 15, p. 286.
29. Pierre Mayer notamment, en dépit de désaccords marqués par ailleurs, lui rend un hommage
appuyé sur ce point, v. « Le phénomène de la coordination... », préc., n° 248, p. 264.
30. Bien sûr, l'application de la méthode aux secondes est la modalité la plus facile et la plus
répandue, au point que M. Picone, dans son cours de 1999, y restreint son propos, v. « Les
méthodes... », préc., n° 37, p. 124 : « pour simplifier les choses, nous nous réfèrerons aux seules
hypothèses où les situations juridiques en cause trouvent leur propre source dans un acte de
" concrétisation " de règles matérielles (jugement, acte de juridiction gracieuse, etc.) venant d'un organe
public, respectivement, de l'État du for (situations juridiques formellement nationales) ou d'un État
étranger (situations juridiques formellement étrangères). » (italiques dans l'original)
sans que la volonté des parties ne puisse influer,
même indirectement, sur cette désignation.
Ces dernières caractéristiques entravent le potentiel de la méthode de la réfé

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