Bibliothèque de droit privé - Tome 620 - Le droit international privé de la famille à l'épreuve de l'impératif de reconnaissance des situations - 41

LA MOBILITÉ DES PERSONNES PRIVÉES
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A. APPROCHE QUALITATIVE
22. Les relations familiales internationales, pour reprendre le critère classique
de l'internationalité en droit international privé, sont celles qui comportent
un élément d'extranéité, en d'autres termes celles qui entretiennent des points de
contact avec au moins deux systèmes juridiques8
. Ces points de contact sont, en
définitive, les différents éléments de rattachement traditionnellement retenus en
matière de statut personnel9
, c'est-à-dire les nationalités, domiciles et résidences
habituelles des différents membres de la famille.
23. Bien évidemment, de telles relations constituent une réalité ancienne,
dont les exemples s'étaient d'ailleurs multipliés à mesure que les diverses législations
étatiques relatives à la nationalité abandonnaient le « principe de la prédominance
maritale » et ses deux corollaires, « l'acquisition de la nationalité du mari
par l'étrangère épousant un national » et « la perte de leur nationalité par les
nationales épousant un étranger »10
, par souci d'assurer enfin l'égalité entre les
époux. Le « principe moderne », selon lequel « le mariage avec un étranger (ou
une étrangère) ne doit pas produire d'effets automatiques sur la nationalité », « se
traduit par une multiplication inévitable des cas de double nationalité : non seulement
de l'un au moins des conjoints, mais aussi des enfants [...] »11
. Mais c'est
surtout un autre phénomène, plus brutal, qui explique la multiplication contemporaine
des familles internationales.
24. Celles-ci, en effet, ne peuvent émerger que si ceux qui les forment ou vont
les former se déplacent, s'établissent à l'étranger, entament une relation avec une
personne résidant dans un autre État. La mobilité des individus apparaît ainsi
comme le prérequis des familles internationales. Or notre époque est fréquemment
décrite comme une « ère de la migration », dont l'avènement aurait été permis
par « une économie ouverte, les évolutions modernes des technologies de
l'information et de la communication, l'introduction de systèmes de transports
efficaces et peu onéreux »12
. Il est d'ailleurs permis de penser que les États européens,
qui conjuguent étendues géographiques relativement faibles et niveaux de
développement économiques élevés, constituent un terreau particulièrement favorable
aux familles internationales, d'autant que les langues étrangères y sont
parlées par des proportions très significatives des populations13
et que trois
8. V. d'une manière générale B. Audit, L. d'Avout, Droit international privé, Issy-les-Moulineaux,
LGDJ, 8e éd., 2018, n° 7, p. 14, et plus particulièrement s'agissant du droit de la famille K. BoeleWoelki,
« Why and How to Accommodate an Optional European Family Law », in Festschrift für
Dieter Martiny, Tubingue, Mohr Siebeck, 2014, p. 27-40, p. 32.
9. V. not. L. d'Avout, « La lex personalis entre nationalité, domicile et résidence habituelle », in
Mélanges en l'honneur du Professeur Bernard Audit - Les relations privées internationales, Paris,
LGDJ et Lextenso éditions, 2014, p. 15-41, et avant lui B. Audit, « Les avatars de la loi personnelle en
droit international privé contemporain », in Le monde du droit - Études en l'honneur de Jacques Foyer,
Paris, Economica, 2008, p. 49-70.
10. Ces passages se trouvent dans la 6e
international privé français des personnes et de la famille », in Mélanges en l'honneur du professeur
Jean Hauser, Paris, LexisNexis / Dalloz, 2012, p. 207-226, spéc. p. 207-208.
12. P. Nijkamp, J. Poot, M. Sahin, Migration Impact Assessment, Cheltenham / Northamptom
(MA), Edward Elgar, 2012, p. ix.
13. D'après une étude de 2012 (Eurobaromètre spécial 386 « Les Européens et leurs langues »,
2012, p. 5), « un peu plus de la moitié des Européens (54 %) sont capables de tenir une conversation
édition du Droit international privé de MM. Audit et
d'Avout (préc.), n° 935, p. 820.
11. Ibid. V. aussi J.-P. Laborde, « Retour sur la pluralité du point de rattachement en droit

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