Bibliothèque de droit privé - Tome 620 - Le droit international privé de la famille à l'épreuve de l'impératif de reconnaissance des situations - 71

L'ESSOR DE L'INDIVIDUALISME
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dénonçant en 1991 déjà - spécifiquement à propos de la situation états-unienne
mais en des termes que beaucoup transposeraient sans hésiter, aujourd'hui, à
notre bord de l'Atlantique - l'appauvrissement des discours juridiques mais
aussi politiques s'ils sont conduits exclusivement en termes de droit subjectifs95
.
70. Néanmoins, c'est surtout l'incertitude consubstantielle à un système
véritablement structuré par les droits subjectifs qui interpelle96
. Ceux-ci, en effet,
sont susceptibles d'entrer en conflit, par exemple le droit à l'anonymat de la
femme qui accouche sous X ou du donneur de matériel génétique et le droit à
connaître ses origines de l'enfant mis au monde97
. Or, comme le fait remarquer
Atias, les droits subjectifs « sont définis sans référence à ceux qui les entourent. C'est
pourquoi, la multiplication de ces pouvoirs ne s'accompagne d'aucune règle de
conflit. Ces petits territoires définis dans l'abstrait, dotés de frontières conceptuelles
rigides, jalousement défendues, sont juxtaposés sans précaution, sans que
leur harmonisation et leur conciliation ne soient préparées98
remettre à l'aptitude des individus à l'autodiscipline99
. » À moins de s'en
, la nécessité de prévoir des
mécanismes de résolution de ces conflits peut sembler criante. Pourtant, les tentatives
en ce sens, parfois présentées comme visant plutôt à réaliser une « conciliation
», apparaissent singulièrement peu convaincantes100
droit comme modèle », D. 1990, chron., p. 199-210, qui considère que ce modèle est un instrument
d'évaluation davantage qu'une prescription. Sur la règle de droit comme règle de conduite et comme
règle de décision, v. aussi P. Mayer, « Le phénomène de la coordination des ordres juridiques étatiques
en droit privé », RCADI, 2007 (327), p. 9-378, n° 10-11, p. 30-32.
95. Cette idée fournit même le sous-titre de l'ouvrage, v. M. A. Glendon, Rights Talk - The
Impoverishment of Political Discourse, New York (NY), The Free Press, 1991. Sur les actuelles
convergences entre États-Unis et Europe continentale dans le domaine du droit de la famille, v. infra
n° 93.
96. V. par ex. C. Labrusse-Riou, « Propos conclusifs - Les procréations médicalement assistées,
lieu de confrontation du réel et de l'imaginaire », Archiv. phil. droit, 2014 (57), p. 485-499, p. 486 : « À
un droit construit à partir de structures, succéderait un droit énoncé à partir de la satisfaction des
intérêts particuliers dont la conciliation, à la supposer possible en fait, reposerait sur des volontés
individuelles, variables, ou sur des décisions judiciaires prises en opportunité. »
97. Pour un catalogue de ces « situations conflictuelles » lorsque sont impliqués des droits
fondamentaux, v. P. Ducoulombier, Les conflits de droits fondamentaux devant la Cour européenne des
droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 2011, n° 274 et ss., p. 173 et ss.
98. C. Atias, Philosophie du droit, Paris, PUF, 3e
éd., 2012, n° 59, p. 258. V. également R. Bin,
« Nuovi diritti e vecchie questioni », in Studi in onore di Luigi Costato, Naples, Jovene, 2014, vol. III,
p. 75-84, p. 77, qui de l'observation que « les droits [subjectifs] sont " à somme nulle " » (traduction
libre) déduit l'importance d'identifier le(s) droit(s) subjectif(s), ou l'intérêt de la collectivité, qui sera
ou seront défavorablement affectés si un nouveau droit subjectif est reconnu ou le domaine d'un droit
déjà connu est étendu.
99. Un optimisme modéré n'est d'ailleurs pas exclu, v. J. Carbonnier, Flexible droit, préc., p. 138 :
« les droits subjectifs sont rarement exercés à l'exacte limite de leur définition : tantôt l'individu va
plus loin que son droit : tantôt (plus fréquemment sans doute, car il n'y a pas alors de réaction
antagoniste), il reste en deçà. Cette considération de l'effectivité et surtout de l'ineffectivité des droits
individuels est importante ; elle explique pourquoi le système juridique individualiste fonctionne avec
moins de dureté, plus de liant, que ne le laisserait supposer la vision abstraite de tant de droits
subjectifs caparaçonnés dans leur égoïsme. »
100. V. M. Oudin, « Les conflits de droits subjectifs », RRJ, 2007 (1), p. 67-86 ; J. Rochfeld,
op. cit., p. 192-194 ; et, s'agissant plus particulièrement des droits fondamentaux, F. Sudre (dir.), Les
conflits de droits dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, Limal, Anthemis,
2014 ; P. Ducoulombier, Les conflits de droits fondamentaux..., préc. ; M. Delmas-Marty, Les forces
imaginantes du droit I. Le relatif et l'universel, Paris, Seuil, 2004, spéc. p. 123-145. Pour une analyse
menée dans le cadre européen, v. également L. Potvin-Solis (dir.), La conciliation des droits et libertés
dans les ordres juridiques européens, Dixièmes journées d'études du Pôle européen Jean Monnet,
Bruxelles, Bruylant, 2012. Pour une approche philosophique contemporaine, et sans surprise
, qu'elles consistent en
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