Bibliothèque de droit privé - Tome 620 - Le droit international privé de la famille à l'épreuve de l'impératif de reconnaissance des situations - 88

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Le droit internationaL privé de La famiLLe
À L'épreuve de L'impératif de reconnaissance des situations
l'idée que la réglementation des relations familiales intéresse la collectivité y soit
absente189
en termes de contrat plutôt que de statut190
, ni même que les relations familiales y seraient nécessairement pensées
. On rencontre aussi, ailleurs, l'idée
selon laquelle l'intervention étatique en matière de droit de la famille ne correspondrait
qu'à un stade de l'évolution des sociétés humaines, une étape sans doute
nécessaire mais à laquelle il ne faudrait pas s'attarder191
.
92. Les auteurs continentaux, dans l'ensemble, défendent traditionnellement
des thèses assez nettement différentes ; un premier indice éloquent du rôle
indiscuté de l'intérêt général en droit de la famille est qu'un débat a pu exister sur
le point de savoir si cette matière relevait du droit public ou du droit privé192
. Mais
même chez ceux pour qui le bien-fondé de la seconde solution est acquis, il est
généralement admis que « l'existence de lois régissant la vie familiale dans l'intérêt
général des familles et du corps social tout entier ne sauraient être tenues pour
des ingérences en soi dans la vie privée ou familiale des individus en raison même
de leur nécessité universellement reconnue, à charge d'en renverser la preuve193
. »
Catherine Labrusse-Riou, par exemple, s'est élevée contre ce qu'elle perçoit
comme les limites des raisonnements fondés sur la « distinction du public et du
privé, le premier étant le monde de la contrainte et le second celui de la liberté, en
d'autres termes du subjectif et de l'objectif », et invite, sinon à les abandonner, du
moins à les compléter par des analyses fondées sur l'opposition, qu'elle emprunte
à Arendt194
, entre « le subjectif et le personnel, seul le subjectif n'intéressant pas
approuver cette caractérisation schématique des systèmes de common law, M. A. Glendon, « The
tension between Individual Liberty and Family Protection in the U.N. Universal Declaration of
Human Rights », in Droit comparé des personnes et de la famille - Liber amicorum Marie-Thérèse
Meulders-Klein, Bruxelles, Bruylant, 1998, préc., p. 284-296, spéc. p. 284-285.
189. V. not. L. D. Wardle, « Reconciling Private Autonomy and Public Interests in Family
Law », in Confronting the Frontiers of Family and Succession Law - Liber Amicorum Walter Pintens,
Anvers, Intersentia, 2012, t. II, p. 1747-1766, spéc. p. 1754-1755, passage où est évoquée la distinction
faite par Roscoe Pound il y a un siècle entre les intérêts individuel et l'intérêt de la société à une
réglementation satisfaisante de la famille, F. E. Olsen, « The Myth of State Intervention in the
Family », University of Michigan Journal of law Reform, 1985 (18), p. 835-864, dénonçant de manière
particulièrement vigoureuse l'irréalisme des appels au retrait de l'État en matière familiale.
190. Sur la critique contemporaine du « Family Law Exceptionalism » aux Etats-Unis, v. infra
n° 157.
191. V. par ex. Y. Matsushima, op. cit., spéc. p. 314 : « À l'échelle du monde, le contrôle étatique
de la société et des familles a permis d'atteindre, au cours de la période de formation de l'État moderne,
un certain degré de stabilité sociale. Au cours de l'étape suivante, l'accent a été mis sur le respect de
l'autonomie de la famille et le souci d'éviter, toutes les fois que c'était possible, l'intervention de
l'État. » (traduction libre)
192. Savigny et Demolombe, en particulier, étaient partisans de la qualification publiciste,
v. J. Carbonnier, Droit civil, Paris, PUF, t. I, 1re éd. Quadrige, 2004, n° 390, p. 771-772. Sur la position
de Savigny, v. également S. Peari, « Choice-of-Law in family law: Kant, Savigny and the parties'
autonomy principle », NIPR, 2012, p. 597-604, spéc. p. 599-600, H. Muir Watt, « Les modèles
familiaux... », préc., p. 280, ainsi que D. Kennedy, « Savigny's Family/Patrimony Distinction and its
Place in the Global Genealogy of Classical Legal Thought », Am. J. Comp. L., 2010 (58), p. 811-841,
spéc. p. 813-824, qui insiste sur les ambiguïtés des thèses de l'auteur allemand.
193. M.-T. Meulders-Klein, « Vie privée, vie familiale et droits de l'homme », préc., p. 793.
V. aussi M. Godet, É. Sullerot, La famille : une affaire publique, Paris, La documentation française,
2009.
194. Cet auteur avait notamment théorisé cette opposition dans un discours prononcé en 1958
éd. ang. 1968), p. 84-85. Les réflexions d'Arendt sur la distinction du public et du privé
en éloge à Karl Jaspers, discours reproduit dans H. Arendt, Vies politiques, Paris, Gallimard, 1974,
trad. franç. (1re
ont contribué de manière décisive à ouvrir, en sciences sociales, un champ d'étude si fécond qu'il n'est
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