Bibliothèque de droit public - Tome 328 - L'intérêt général en économie de marché - 305

L'IDIOSYNCRASIE ÉCONOMIQUE DE L'INTÉRÊT GÉNÉRAL DE L'UNION
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schéma de la concurrence des intérêts privés au sein du marché. Si ce phénomène ne
saurait être considéré comme une privatisation du processus décisionnel européen
d'un point de vue organique, il témoigne aussi de la quasi-institutionnalisation du
marché et de ses procédés et de l'encadrement consécutif du principe démocratique.
578. La technocratie ou expertocratie, à savoir la légitimation par l'efficacité
technique au lieu de celle acquise par voie démocratique, trouve à certains égards
également une expression dans la régulation économique indépendante83 et témoigne
de l'avènement au sein de l'Union et sous l'impulsion de son droit de dispositifs légitimants
s'écartant du principe démocratique et ayant une incidence certaine sur la portée
et la complétude du principe démocratique au sein de l'Union.
579. Plus généralement, force est de constater que, si ce déficit démocratique
était pendant longtemps exclusivement attribué à la faiblesse des pouvoirs du Parlement
européen voire aussi des parlements nationaux au sein du processus législatif de
l'Union, la « double parlementarisation » de l'Union à travers le renforcement des
pouvoirs à la fois du Parlement européen et des parlements nationaux a révélé la véritable
nature, ainsi que l'ampleur de ce déficit démocratique européen, dont le fondement
premier consiste en le « sur-constitutionnalisme économique »84, complété par
les dispositifs légitimants « alternatifs », dont notamment ceux évoqués supra.
Le jeu des intérêts privés, partiellement « institutionnalisé » et en tout cas assez
souvent déterminant dans le processus décisionnel européen, constituerait-il un mécanisme
apte à combler les lacunes d'une démocratie représentative européenne en partie
insuffisante et quelle en serait la nature juridique dans ce cas ?
II. DES MÉCANISMES DE REPRÉSENTATION DES INTÉRÊTS
PRIVÉS COMME COMPLÉMENT D'UNE DÉMOCRATIE
REPRÉSENTATIVE EUROPÉENNE LACUNAIRE :
L'AVÈNEMENT DE LA « DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE »
580. Le déficit démocratique du processus décisionnel de l'Union entraîne des
conséquences intéressantes pour notre propos. Conscientes du poids symbolique mais
également bien pratique de ce déficit, les institutions semblent consentir des efforts
pour combler ces lacunes, tout en évitant d'attiser les inquiétudes persistantes face à
une éventuelle fédéralisation de l'Union, inquiétudes qui pourraient revenir en surface
ou se consolider dans le cas d'un éventuel renforcement des mécanismes de démocratie
représentative ou, a fortiori, dans celui d'une introduction de mécanismes de
démocratie directe.
581. Dans ce contexte, le principal « remède » introduit par le constituant européen
dans ce sens, et accessoirement aux autres modifications renforçant la légitimité
démocratique du processus décisionnel de l'Union que nous avons exposé précédemment,
semble consister en une institutionnalisation de la participation de la « société
civile »85 au processus décisionnel. Il faut pourtant préciser que l'institutionnalisation
83. Cf. les développements consacrés à ce phénomène à la fois juridique et politique dans le cadre de
la présente étude.
84. Cf. les travaux de Dieter Grimm, dont notamment
85. Nous utilisons ce terme dans un sens très générique pour désigner les particuliers et les entités
privées (personnes morales ou groupes sans officialisation de leur statut), souhaitant participer au processus
décisionnel de l'Union et en influencer les résultats.

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