Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 28 - Les devoirs de l'actionnaire - 87

LE FINANCEMENT DE LA SOCIÉTÉ
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147. La solution de l'arrêt Le Chanoine a récemment été réitérée dans l'arrêt
Nouvelle241 à propos d'une SAS, étendant ainsi la règle aux sociétés par actions. La
cour d'appel avait caractérisé la sous‑capitalisation à partir d'un faisceau d'indices.
D'abord, « la rapidité de la cessation des paiements intervenue dès le 1er
avril 2014,
seulement un mois et demi après l'entrée en jouissance du 11 février 2014, démontre
que cette société ne disposait pas, dès l'origine, de la capacité financière suffisante
pour faire face aux échéances de charges inéluctables, telles que les loyers et salaires
». Ensuite, « les apports extérieurs reçus par la société à compter du mois de
mai 2014 et jusqu'en décembre 2014, manifestent l'absence de fonds propres et l'insuffisance
de la trésorerie de cette société pour faire face aux charges courantes, et ce
dès le début de l'exploitation ». L'arrêt est cassé, la Cour de cassation formulant une
solution analogue à l'arrêt Le Chanoine :« l'insuffisance des apports consentis à une
société lors de sa constitution, qui est imputable aux associés, ne constitue pas en soi
une faute de gestion dont les dirigeants auraient à répondre ». La solution apparaît
d'autant plus ferme que la cour d'appel ne s'est pas contentée de reprocher une
faute de sous‑capitalisation, mais avait démontré la témérité de lancer l'activité
sociale dans ces conditions. L'ajout de l'expression « en soi » suggère toutefois
qu'une faute de gestion peut être commise par un dirigeant en cas de
sous‑capitalisation242 : la sous‑capitalisation ne suffit pas à établir la faute, mais elle
peut servir d'élément de contexte pour dénicher la faute du dirigeant. Cela conforte
l'interprétation proposée de l'arrêt Le Chanoine qui n'interdit pas la recherche d'une
faute de gestion dans l'exercice des fonctions de dirigeant si la société est sous‑capitalisée
par ses associés ou actionnaires.
148. Le raisonnement est ensuite transposé par la Cour de cassation à une autre
faute, tenant à l'absence de reconstitution des capitaux propres, lorsqu'en cours de vie
sociale, les pertes sont telles qu'ils sont devenus inférieurs à la moitié du capital
social. Elle énonce que « l'absence de régularisation effective, dans le délai légal de
deux ans, de la situation des capitaux propres d'une société anonyme devenus inférieurs
à la moitié du capital social, qui est imputable aux actionnaires, ne constitue pas
une faute de gestion dont les dirigeants auraient à répondre »243.
241. Com., 17juin 2020, Nouvelle,no
1362, note S. TISSEYRE ; RPC 2020, comm. 160, note A.MARTIN‑SERF ; LEDEN 2020, no
obs. K. LAFAURIE ; Dr. soc. 2020, comm. 132, note J.-P. LEGROS ; BJS 2020, no
BJE 2020, nO 6, p. 46, obs. T. FAVARIO ; LPA 2020, no
obs. D. VOINOT; RPC 2020, no
tion de la société : répartition des rôles entre dirigeant et associés », art. préc.
243. Com., 13 oct. 2015, no
19‑10.341 ; Rev. soc. 2020.613, note T. MASSART; JCPE 2020.
8, p. 5,
10, p. 41, note M. LAROCHE ;
225, p. 13, note D. GIBIRILA ; RPC 2020, no 6, chron. 1,
6, comm. 141, note C. DELATTRE ; Rev. soc. 2020.508, note P. ROUSSEL GALLE.
242. En ce sens : T. FAVARIO, art. préc. V. également J. HEINICH, « Sous‑capitalisation et recapitalisa14‑15.755,
BJS 2016.157, note J. HEINICH ; RPC 2016, no
3, p. 45, note
A.MARTIN‑SERF ; Dr. soc. 2016, comm. 87, note J.-P. LEGROS. Affirmant que « l'absence de régularisation
effective, dans le délai légal, de la situation des capitaux propres d'une SARL ne peut être imputée qu'aux
associés et non aux dirigeants, auxquels il ne peut être reproché que leur abstention de convoquer les associés
afin qu'ils se prononcent sur les conséquences de cette situation » : Com., 24janv. 2018, no
16‑23.649,
BJS 2018.170, note J. HEINICH ; RJC 2018.373, note J. HEINICH ; BJE 2018.212, note T. FAVARIO ; Dr. soc.
2018, comm. 171, note J.-P. LEGROS ; GP 2018, no
23, p. 76, note A. BENOIT,I. PRODHOMME. Sur la responsabilité
de l'actionnaire en l'absence de reconstitution des capitaux propres, v. infra, nº 203.
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