Bibliothèque de droit privé - Tome 621 - La théorie générale des conflits de lois à l'épreuve de l'individualisme - 57

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LA THÉORIE GÉNÉRALE DES CONFLITS DE LOIS À L'ÉPREUVE DE L'INDIVIDUALISME
2. La conséquence dufondement individualiste du droit
37. Le fondement individualiste du droit accorde une place centrale aux individus
au sein de l'ordre social et juridique. La vie collective et le droit sont alors fondés
sur la liberté et la volonté des individus qui en sont les principales forces structurantes.
L'individualisme juridique y insiste avec force, et il convient d'en rendre compte.
La conséquence du fondement individualiste du droit se manifeste ainsi par l'importance
de la liberté (a) et de la volonté (b) de l'individu.
a) L'importance de la liberté de l'individu
38. La liberté individuelle comme principe du droit. La liberté de l'individu
est le premier principe du droit au sein de la doctrine individualiste. Philosophème clé
de l'individualisme juridique, cette conception produit d'importantes conséquences.
L'idée résulte de l'un des postulats essentiels de cette tendance, en vertu duquel la
liberté originelle de l'individu est au fondement de la collectivité et du droit ; elle en
est le principe fondamental. Individualiste convaincu, J-J. Rousseau n'a-t-il pas justement
cherché à établir les conditions dans lesquelles l'individu pourrait demeurer
« aussi libre qu'auparavant »103 après avoir quitté l'état de nature pour l'état social ?
Pour y parvenir, la liberté de l'individu doit donc nécessairement présider à la création
du droit104. Individualiste zélé, E. Kant l'a aussi souligné en assignant au droit la
fonction de protéger et garantir la liberté individuelle puisque le philosophe voit
dans celui-ci « l'ensemble des conditions sous lesquelles l'arbitre de l'un peut être
uni à l'arbitre de l'autre suivant une loi universelle de liberté »105. Selon un auteur
favorable à une telle conception, cette définition du droit révèle le « nœud de tout
103. J-J. ROUSSEAU, Du contrat social, préc., I, Chap. VI, « Du pacte social », p. 31, le philosophe
juge à cet égard que l'ordre social légitime est celui qui consacre la liberté originelle de l'individu à son
principe.
104. V. not. à propos de cette idée centrale de la doctrine individualiste : H. BATIFFOL, Problèmes
de base de la philosophie du droit, pp. 353-354 ; A. BRIMO, Les grands courants de la philosophie du
droit, Ed. A. Pedone, Paris, 1968, p. 96 ; G. MARTY et P. RAYNAUD, Introduction générale à l'étude du
droit, préc., t. I, pp. 48-49 ; P. ROUBIER, Théorie générale du droit, préc., p. 232 ; M. VILLEY, Philosophie
du droit, préc., pp. 107-108 ; M. WALINE, L'individualisme et le droit, préc., pp. 89 ; J-L. BERGEL,
Théorie générale du droit, préc., pp. 36-37 ; P. WACHSMANN, « Naturalisme et volontarisme dans les
Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 », préc., p. 15. Et l'approbation d'auteurs individualistes tels
que : A. SCHATZ, L'individualisme économique et social, préc., pp. 187-188 ; J. DABIN, Théorie générale
du droit, Dalloz, Paris, 1969, p. 252, soulignant que la liberté intrinsèque de l'individu doit demeurer le
principe de la création du droit, et observant que : « la liberté est non seulement légitime, mais nécessaire,
et doit être protégée contre quiconque, y compris l'État : aucune raison de bien public ne saurait motiver sa
suppression parce qu'elle est issue de la nature de l'individu humain, qui n'est pas simplement partie d'un
tout, mais personne, et qu'aucune atteinte à la nature humaine ne saurait être utile à un bien public qui est,
lui aussi, foncièrement humain ».
105. E. KANT, Métaphysique des mœurs, Première Partie, « Doctrine du droit », trad.
A. PHILONENKO, Vrin, Paris, 1979, p. 104. Le « principe universel du droit » que le philosophe déduit
de cette définition est donc clairement individualiste : « Estjuste toute action qui permet ou dont la maxime
permet à la liberté de l'arbitre de tout un chacun de coexister avec la liberté de tout autre ». À propos de
cette définition, v. not. : H. MICHEL, L'idée de l'État. Essai critique sur l'histoire des théories sociales et
politiques en France depuis la Révolution, préc., p. 48, selon l'auteur « la liberté est à la fois la tige du droit
et celle de la morale » ; P. ROUBIER, Théorie générale du droit, préc., pp. 232-233 ; S. GOYARD-FABRE,
« Les sources du droit et la " révolution copernicienne " : quelques réflexions sur Kant et Rousseau », in
Arch. phil. dr., t. 27, 1982, pp. 67 et s. ; et H. BATIFFOL, Problèmes de base de la philosophie du droit,
préc., p. 355. Ainsi que l'analyse critique de : M. VILLEY, Philosophie du droit, préc., pp. 108-109 ; et du
même auteur, Leçons d'histoire de la philosophie du droit, réimpr. Dalloz, Paris, 2002, pp. 251 ; ainsi que,
« Du nouveau sur la politique de Kant », in Arch. phil. dr., t. 8, 1964, pp. 245 et s. Ainsi que l'analyse
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