Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 163 - Les normes à constitutionnalité renforcée - 484

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LES NORMES À CONSTITUTIONNALITÉ RENFORCÉE
qu'il rejetterait d'office sa compétence en une matière aussi sensible, le juge constitutionnel
a précisé « qu'en tout état de cause, le Traité établissant une Constitution pour
l'Europe n'est pas contraire à la Charte de l'environnement de 2004 »303. Cette formulation
au présent de l'indicatif laisse présumer que le Conseil a effectivement vérifié
la constitutionnalité du projet de texte soumis au référendum. Toutefois, cette solution
n'est peut-être qu'un cas d'espèce qui ne serait pas transposable pour un autre
référendum : dans ce cas précis, le juge constitutionnel avait déjà contrôlé la constitutionnalité
du TECE dans une décision antérieure, et sur le fondement de l'article 54 de
la Constitution304. Il a été également remarqué qu'en plus du respect des conditions
traditionnelles en matière d'élection, le Conseil constitutionnel s'est également assuré
de celui de la « clarté et de la loyauté de la consultation »305. Il est donc nécessaire
d'attendre l'organisation d'autres référendums pour savoir si la voie de l'article 60
constitue bien une possibilité ou se révèle finalement être une impasse.
§4. LE STATUT JURIDIQUE DE LA MODIFICATION DE LA CONSTITUTION
PAR LA VOIE DE L'ARTICLE 11
La révision des articles 6 et 7 de la Constitution sur le fondement de l'article 11
reste juridiquement incontestable. Il est impossible de s'arrêter à ce constat sans chercher
à savoir quel est le statut de cette alternative. Deux thèses sont ici possibles : la
première, la plus courante, est celle de l'existence d'une coutume constitutionnelle
(A). La seconde, plus convaincante, reconnaît l'existence d'une convention à la
Constitution (B)
A. L'IMPOSSIBLE THÈSE DE LA COUTUME CONSTITUTIONNELLE
399. L'assimilation de l'utilisation de l'article 11 pour réviser la Constitution
à une coutume constitutionnelle. Dans l'histoire de la Ve République, l'article
11 fut utilisé deux fois à la place de l'article 89. On a vu que la doctrine justifie
cette procédure par la légitimation populaire qu'induirait le référendum. Mais il existe
aussi un argument complémentaire, qui paraît au premier abord plus objectif: celui de
l'existence d'une coutume constitutionnelle qui viendrait ancrer cette pratique dans le
droit constitutionnel positif. Certes, déterminer si la modification de la Constitution
sur le fondement de l'article 11 est une coutume sort à proprement parler de notre
étude sur les normes à constitutionnalité renforcée. Il est néanmoins indispensable
de savoir si une procédure révisionnelle contraire à la Constitution peut être produite
par voie coutumière. Léo Hamon fut le premier à évoquer cette possibilité, dès 1963 :
« [...] le fait de l'usage direct d'un recours au référendum en matière constitutionnelle,
la décision d'incompétence du Conseil constitutionnel et la promulgation, par le président
de la République, de la loi adoptée par référendum aboutissent dans leurs rapprochements
303. C.C., décision du 24 mai 2005, Hauchemaille et Meyet, Rec. p. 56, cons. 7, nous soulignons.
SCHOETTL (J.-É.), « Contentieux des décrets relatifs au référendum », LPA, 25 avril 2005, no
81, pp. 3 à
13 ; FATIN-ROUGE STEFANINI (M.), « Le Conseil constitutionnel et le contentieux des actes préparatoires
au référendum sur la Constitution européenne », RFDC,no
63, 2005, pp. 605 à 629.
304. C.C., décision précitée du 19 novembre 2004, Traité établissant une constitution pour l'Europe.
305. Ibid., cons. 11. Au vu de la campagne du référendum, la découverte et la protection de ce nouveau
principe de « clarté » par le Conseil ne manquent pas de piquant.
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