Bibliothèque de droit privé - Tome 624 - La réglementation de la convention d'arbitrage international - 94

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LA RÉGLEMENTATION DE LA CONVENTION D'ARBITRAGE INTERNATIONAL
la compétence de sa compétence, et doit se prononcer le premier sur celle-ci, sauf à
reprendre d'une main ce que sa qualité de juge lui a donné de l'autre. Certes, le juge
étatique français est également un juge, mais sa compétence semble avoir été limitée ;
elle semble avoir été conférée à un autre juge qui bénéficie alors d'une priorité pour
trancher la difficulté. C'est ce qui explique que l'effet négatif du principe de compétence-compétence
ait pu être érigé, sur les brisées de la jurisprudence Dalico189,en
une règle matérielle190. Mais si l'on peut croire à première vue que cette règle matérielle
est déduite de ce que les parties veulent le plus souvent, il semble que le fondement
juridictionnel apporté par la Cour de cassation empêche de le penser sérieusement.
D'une part, comme il vient d'être dit, la Cour de cassation a fondé l'effet
négatif sur la qualité de juge de l'arbitre. Or, les parties ne peuvent dénier à l'arbitre
sa fonction juridictionnelle, faute de quoi les parties recourraient non pas à l'arbitrage,
mais à un autre mode alternatif de règlement des différends191.C'est également en ce
sens que l'on peut comprendre l'arrêt Fincantieri192 qui a retenu qu'un jugement italien
violant l'effet négatif du principe de compétence-compétence, tel que compris en
droit français, ne saurait être reconnu en France : le juge étranger méconnaît ici la
fonction juridictionnelle de l'arbitre193.D'autre part, l'effet négatif du principe de
compétence-compétence apparaît extérieur à la volonté des parties : ce n'est pas
parce que les parties l'ont voulu que l'arbitre se trouve compétent pour trancher la
question de sa compétence mais en raison de cet effet, extérieur à la convention d'arbitrage.
La volonté des parties paraît bien absente dans la mesure où cet effet permet à
l'arbitre de se prononcer sur la validité de la convention d'arbitrage censée lui donner
compétence pour trancher le litige sur le fond. Plutôt que contractuelle, l'allocation
des compétences apparaît ainsi juridictionnelle, en ce sens qu'elle est fondée sur la
confrontation entre deux juges, le juge étatique et l'arbitre, qu'il s'agit de départager.
Cette dimension juridictionnelle n'est pas remise en cause par le faible contrôle que le
juge étatique peut exercer ex ante sur la compétence arbitrale.
2. La compétence résiduelle dujugefrançais face à unjuge élu
92. Deux compétences résiduelles du juge étatique. Si l'effet négatif du principe
de compétence-compétence est très largement reconnu en droit français, une
compétence résiduelle du juge français demeure à deux égards : il peut opérer un
189. Cass. 1re civ., 20 déc. 1993, arrêt précité.
190. Pour une illustration topique, v. Cass. 1re civ., 7juin 2006, ABS c. Copropriété maritime Jules
Verne, Rev. arb. 2006.945, note E. Gaillard ; JDI 2006.1384, note A. Mourre ; JCP 2006, I, 187, nº 7 et s.,
obs. Ch. Seraglini ; GD nº 7, retenant que ni la loi choisie par les parties, ni le fait que le siège ne soit pas en
France n'ont d'influence sur l'effet négatif du principe de compétence-compétence.
191. Puisqu'en effet, la doctrine française, ensemble la jurisprudence, fait de la mission juridictionnelle
de l'arbitre un des critères distinctifs de l'arbitrage. V. en particulier Ch. Jarrosson, thèse précitée.La
jurisprudence se sert également de ce critère distinctif pour qualifier la mission confiée à un tiers : v. par ex.
CA Paris, 9 nov. 1999, in somm. jurisp. Rev. arb. 2001.159, et Ch. Jarrosson, « Les frontières de l'arbitrage
», ibid. p. 5 et s. ; CA Paris, 17juin 2004, Rev. arb. 2006.161, note T. Azzi ; Cass. 1re
civ., 15 déc.
2010, Rev. arb. 2011.435, note J. Billemont pour la distinction arbitrage et expertise fondée sur la mission
non-juridictionnelle de l'expert.
192. CA Paris, 15juin 2006, Rev. arb. 2007.87, note S. Bollée ; D. 2006.3035, obs. Th. Clay.
193. Présentée ainsi, cette décision laisse voir sa véritable justification, ainsi que Sylvain Bollée le
remarquait dans sa note précitée sous CA Paris, 15juin 2006, nº 4 : il s'agit moins d'une question de compétence
indirecte, contrairement à ce que la Cour affirme, que d'une question d'ordre public.
(193) Le fondement de l'ordre public international sera retenu dans l'arrêt Panatlantic, CA Paris, 8 oct.
2013, Panatlantic, in somm. Rev. arb. 2015.1215 ; International Journal ofArab Arbitration 2014, nº 3,
p. 59 et s., note P. Mayer.
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