Bibliothèque de droit privé - Tome 625 - Quasi-contrat et enrichissement injustifié - 306

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QUASI-CONTRAT ET ENRICHISSEMENT INJUSTIFIÉ
qui est remplacée par des conditions plus précises, qui diffèrent selon la branche de
l'enrichissement injustifié en cause, les juristes allemands faisant davantage référence
àl'existence d'une prestation ou à la violation d'un droit exclusif18.
Cette diversité est encore plus manifeste en droit anglais, même si on peut noter
une tendance de la doctrine anglaise à regrouper les unjust factors en deux grandes
catégories19,où iln'existe pas en tant que telle une condition d'absence de justification
mais une liste de cas où l'enrichissement est considéré injuste. Il est ainsi possible
de noter une certaine convergence entre le droit allemand, qui a raffiné sa clause générale
en plusieurs subdivisions, et le droit anglais qui tend au contraire à faire davantage
de liens entre ces unjustfactors, voire à en regrouper certains. Le droit français
de l'enrichissement injustifié semble détonner par rapport aux solutions retenues par
d'autres systèmes juridiques. Ces différences ne sont bien évidemment pas en soi critiquables,
et il faut encore s'interroger sur les raisons de ce particularisme. Le droit
français se démarque de ses voisins par le maintien d'une action générale, où il est a
priori suffisant d'établir que l'enrichissement ne trouve aucune justification juridique,
sans avoir à établir un élément positif. Le domaine pratiquement restreint de l'action
d'enrichissement injustifié20, aux enrichissements par services et enrichissements
indirects n'a sans doute pas incité le législateur, ou la doctrine, à faire d'autres distinctions
et à analyser plus précisément la notion d'absence de justification. S'il est
toujours possible de retrouver l'idée qu'il n'existe pas de justification au transfert,
quel que soit le quasi-contrat en cause, elle ne permet pas en soi d'établir la particularité
de cette action, et plus largement de cette source d'obligation. L'absence d'affinement
de cette condition explique ainsi que l'action d'enrichissement injustifié soit
toujours perçue comme une action « négative » ou une simple manifestation de
l'équité, puisqu'il n'est guère possible d'en relever sa dimension positive, ce qu'il la
différencie substantiellement des autres sources d'obligation. D'où l'idée que l'enrichissement
injustifié ne peut s'appliquer que si aucune autre voie de droit ne peut être
utilisée, ce qui amènera à la condition de subsidiarité.
B. L'ABSENCE DE JUSTIFICATION DE L'APPAUVRISSEMENT
343. La distinction entre la justification de l'enrichissement et la justification
de l'appauvrissement. Cette distinction est encore discutée en doctrine et il n'est
pas certain qu'elle soit réellement observée par la jurisprudence21. Les nouvelles dispositions
du Code ne font pas expressément référence à cette distinction, même s'il
serait possible d'en voir les prémices à l'article 1303-1 (justification de l'enrichissement)
et l'article 1303-2 (justification de l'appauvrissement). Cette interprétation n'est
sans doute pas la plus vraisemblable, ces dispositions s'inspirant fortement de celles
18. Voir notamment G. DANNEMANN, « The Future ofGerman Unjustified Enrichment Law " , Restitution
Law Review, (2017), Vol. 25, p. 57.
19. Pour une présentation des unjustfactors voir supra nº 105 et s.
20. Sur cet aspect voir notamment E. DESCHEEMAEKER, « The New French Law », art. préc., qui
note que les juristes anglais et allemands ne peuvent qu'être surpris par le faible domaine de l'action générale
en droit français, alors que ce qui constitue le cœur de l'enrichissement injustifié dans ces systèmes se
retrouverait davantage dans l'une des actions spéciales, à savoir la répétition de l'indu.
21. Voir notamment A. BENABENT, op. cit., nº 486 qui estime que l'appauvri peut agir quand bien
même son appauvrissement serait justifié, car seul l'enrichissement doit être injustifié. Voir également sur
l'indifférence de la justification de l'appauvrissement, V. FORTI, « Art. 1303 à 1303-4. Enrichissement
injustifié - Conditions juridiques » Juris class. Civ., 2016, nº 2.

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