Bibliothèque de droit privé - Tome 625 - Quasi-contrat et enrichissement injustifié - 47

QUASI-CONTRATS ET ENRICHISSEMENT INJUSTIFIÉ EN DROIT ROMAIN
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utilisée comme une action sanctionnant un enrichissement injustifié39. Le premier cas
est celui où le gérant a géré les affaires d'autrui dans son propre intérêt. Dans cette
hypothèse, il ne peut agir contre le maître qu'à concurrence du profit réalisé, et non
obtenir le remboursement intégral de ses dépenses. Le second cas est bien plus particulier.
Il concerne l'action du vendeur d'esclave contre l'acquéreur, lorsque l'esclave
a volé un objet appartenant au vendeur, son ancien maître. Si le nouveau maître a
vendu l'objet volé, de bonne foi, l'ancien maître peut agir contre le premier à concurrence
du prix de vente. Ces deux cas particuliers seront par la suite extrapolés et étendus
à d'autres cas, en particulier par les juristes du Moyen-Âge40. Cet usage particulier
de la gestion d'affaires ne doit cependant pas tromper. Ces extensions n'ont pour
unique but que d'arriver à un résultat équitable, là où il n'existait en droit romain
aucune autre action valable. Dans le premier cas, il s'agit d'une solution de compromis
entre les intérêts du maître et ceux du gérant. Dans le second cas, l'extension de
l'action contraria permet de remédier à l'inefficacité de l'action en revendication,
perdue à la suite de la vente de bonne foi de l'objet volé. Il ne faudrait certainement
pas déduire de ces extensions que la gestion d'affaires est, de manière générale, une
application de l'enrichissement injustifié. Ce n'est que dans ces cas particuliers et
lorsque l'indemnisation est limitée au profit réalisé par le maître que la gestion d'affaires
peut être analysée comme un remède contre un enrichissement injustifié. Ce
tour de passe-passe ne se justifie toutefois que dans un système où il n'existe aucune
source d'obligation sanctionnant un enrichissement injustifié et où le raisonnement se
focalise essentiellement sur la procédure.
§3. L'ACTION DE IN REM VERSO
35. Une action fréquemment déformée. Àl'instar des quasi-contrats, l'action
de in rem verso a connu bien des transformations et des extensions. Initialement l'in
rem verso concernait l'hypothèse où une personne n'ayant pas la capacité juridique
(fils de famille ou esclave) s'est malgré tout engagé envers une autre personne. Leur
responsabilité ne pouvant être engagée, le cocontractant avait néanmoins la possibilité
de se retourner contre le paterfamilias ou le maître, s'il en résultait un profit pour ces
derniers41. Cette action fut progressivement généralisée, dès le droit romain, à des cas
que l'on nommerait aujourd'hui enrichissement indirect, c'est-à-dire passant par le
patrimoine d'un tiers. Il semble ainsi que le droit romain accordait cette action dans
les cas où un tiers a tiré un bénéfice d'un contrat au détriment de l'un des
cocontractants42. On peut ainsi trouver l'exemple suivant dans le Code de Justinien :
un contrat de prêt est conclu, mais l'emprunteur a agi pour le compte d'une autre
personne, si cette dernière a tiré profit du prêt, le prêteur peut agir contre elle43.
Cette action avait pour objectif premier de remédier aux lacunes de la représentation
39. R. ZIMMERMANN, The Law ofObligations, Roman Foundations ofthe Civilian Tradition, Juta
& Co, 1992, p. 875-878.
40. Voir infra nº 40.
41. J.-P. LEVY, A. CASTALDO, op. cit., nº 152.
42. R. ZIMMERMANN, op. cit., p. 879, voir également J. P. DAWSON, Unjust Enrichment, A Comparative
Analysis, William S. Hein, 1999, p. 85-86.
43. Ibid., il existe encore une incertitude sur le fait de savoir s'il s'agit d'une innovation datant du
temps de Justinien ou si elle existait déjà sous Dioclétien et Maximien (au 3e siècle après J.-C.), cette règle
leur étant attribuée. Il s'agit en tout cas d'un élargissement dans la mesure où il n'est pas nécessaire que le
cocontractant soit un fils de famille ou un esclave.

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