Bibliothèque de droit privé - Tome 638 - Les distributions en droit privé - 70

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LES DISTRIBUTIONS EN DROIT PRIVÉ
droits d'associé et non au nu-propriétaire. Le fruit ayant toujours une cause efficiente,
l'expression prétorienne sous-entend que les dividendes participent de la nature de
fruits (civils) du droit d'associé. Le lien entre qualité d'associé et droit aux dividendes
est si dense que ce dernier est un droitpropre de l'associé, c'est-à-dire un droit dont il
ne peut être privé et qui est donc essentiellement lié à sa qualité d'associé au point
d'en être indissociable155. Mieux encore, aucun autre droit ne produit des dividendes
comme fruits : il faut être associé pour participer aux résultats d'une société par des
dividendes156.C'est d'ailleurs l'un des éléments qui distinguent les associés, détenteurs
de titres de capital, qui ont financé (ou dont l'auteur a financé) la société par des
apports, peuvent participer aux décisions sociales et sont rémunérés par dividendes,
des obligataires, détenteurs de titres de créances, qui ont financé la société par des
prêts et n'ont que le statut de créanciers. Ceci étant, savoir que les dividendes participent
de la nature des fruits du droit d'associé, ce n'est pas encore avoir tout à fait
percé leur mystère.
76. Le dividende : l'objet d'une créance. Une fois la mise en distribution du
bénéfice distribuable décidée, que se passe-t-il ? La Cour de cassation énonce que les
dividendes n'ont « pas d'existence juridique avant l'approbation des comptes de
l'exercice par l'assemblée générale, la constatation par celle-ci de l'existence de sommes
distribuables et la détermination de la part qui est attribuée à chaque associé »157.
La solution se comprend : le dividende étant la part d'un associé dans le bénéfice mis
en distribution, il ne peut exister avant que cette part n'ait été déterminée. Énoncer
cette solution qui semble difficilement contestable ne permet toutefois pas de savoir
quel est le droit de l'associé sur le dividende une fois celui-ci né. Or, puisque la
somme (ou l'action, si le dividende est payé en nature) n'est pas nécessairement
Paris 2, Éditions Panthéon-Assas, 2011, préf. Germain, nº 40. Adde M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy,
Droit des sociétés, LexisNexis, 34e
éd., nº 563.
155. V. M. Germain et V. Magnier¸ Les sociétés commerciales, LGDJ, 21e éd., nº 2142 (ainsi que les
références) et s., spéc. nº 2160. : « le droit de l'actionnaire [...] est seulement le droit ne pas être indûment
privé de son droit sur les bénéfices réalisés et sur les réserves constituées, sous réserve des mesures de
suspension justifiées par des circonstances exceptionnelles » ; v. également M. Cozian, A. Viandier et
F. Deboissy, Droit des sociétés, LexisNexis, 34e
éd., nº 562. : « la référence aux droits propres renvoie en
fait aux prérogatives d'ordre public attachées à la qualité d'associé », parmi lesquelles « la vocation aux
bénéfices » ; H. Le Nabasque, « Les droits financiers de l'associé », Mél. Normand, Litec, 2003, p. 307
et s. Posant toutefois la question de la nature de droit propre du droit aux bénéfices : M. Germain, « La
renonciation aux droits propres des associés : illustrations », Mél. Terré, Dalloz, PUF, Éditions du Jurisclasseur,
1999, p. 401. Cependant, la loi elle-même prohibe les clauses léonines « excluant un associé totalement
du profit » (article 1844-1 alinéa 2 du Code civil). On peut en revanche concevoir qu'un associé
renonce ponctuellement à son dividende : en l'absence de contrepartie, on peut se demander s'il ne réalise
pas une donation indirecte aux autres associés ou à la société.
156. Cependant, les créanciers des dividendes peuvent être les usufruitiers « du droit d'associé », qui
ne sont eux-mêmes pas associés (Cass. avis, 1er déc. 2021, nº 20-15164, inédit, D. 2022.223, obs. Daigre,
RTD com. 2022.85, note Lecourt, Rev. soc. 2022.135, note Godon ; Cass. 3e civ., 16 févr. 2022, nº 2015164,
Bull. civ. 2022/2.255, D. 2022.440, note Jullian).
157. Cass. com., 14 déc. 2010, nº 09-72267, inédit, Rev. soc. 2011.232, note Saintourens,
Dr. sociétés, 2011/3, comm. nº 51, note Gallois-Cochet ; Cass. com., 28 nov. 2006, nº 04-17486, Bull. civ.
2006.IV.258, nº 235, D. 2006.3055, obs. Lienhard, RTD civ. 2007.149, obs. Revet, JCPE 2007.1361, note
Deboissy et Wicker. Auparavant, moins précis, Cass. com., 23 oct. 1990, nº 89-13999, Bull. civ.
1990.IV.171, nº 246, D. 1991.173, note Reinhard, JCPE 1991.II.127, note Serlooten, JCPN 1991.II.97,
obs. Marteau-Petit, RTD civ. 1991.361, note Zénati : « c'est la décision de l'assemblée générale de distribuer
tout ou partie des bénéfices réalisés au cours de l'exercice sous forme de dividendes qui confère à
ceux-ci une existence juridique ». Adde Cass. com., 4 févr. 2014, « Groupementfoncier agricole des Barradis
c. Cardonne », nº 12-23894, inédit.
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