Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 160 - Les actes nuisibles à la vie en société - 21

INTRODUCTION GÉNÉRALE
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auquel il appartient. Ces deux conceptions, plus ou moins individualistes ou
holistes20
moins lâche - du lien social21
de la société, engendrent des conséquences sur la nature - plus ou
.
8. En outre, dans la Déclaration de 1789, le terme « État » n'apparaît pas
mais il transparait, derrière les termes de « Gouvernements », « d'institutions
politiques », « d'association politique » et surtout de « Loi ». Pour le reste, la
Déclaration renvoie à la Société, ou au corps social, qui n'est donc plus tout à fait
une société politique - puisque la société d'ordre a été abolie dans la nuit du 4 au
5 août - mais déjà une société civile. À ce titre, on peut affirmer que « la Révolution
française a projeté en pleine lumière non pas le peuple comme sujet juridicopolitique,
non pas l'individu comme substrat de droits subjectifs et d'intérêts réels,
mais la société comme réalité structurée intérieurement - faites d'individus certes,
mais d'individus relationnellement constitués dans leurs besoins comme dans
leurs prétentions juridiques »22
.
Cette partition de l'espace juridique - selon l'expression de François SaintBonnet23
- qui annonce la distinction entre l'État et la société civile bourgeoise, qui
sera théorisée par Hegel dans la première moitié du xixe siècle24
, commande l'idée
de liberté que porte l'article 5 de la Déclaration de 1789. L'individu est libre d'agir
dans la société, entendue comme un espace social distinct de l'État, au sein duquel
est permise l'auto-détermination hors de portée de la contrainte politique.
9. C'est pourquoi cette étude va d'abord appréhender la société comme un
. À ce titre, la société s'apparente aussi
concept, pour ensuite l'assimiler à un espace réel au sein duquel les individus sont
conduits à évoluer, à se croiser et à interagir25
aux espaces de vie en société que sont les espaces publics dans lesquels se déploient,
en l'absence de loi, des exigences minimales et réciproques de civilité, qui ont pour
fonction de rendre possible les interactions sociales en assurant la capacité des individus
à vivre ensemble. Ici la société ne peut pas être comprise comme « le peuple,
parce qu'elle atteint un niveau de réalité régi par des lois comprises comme régularités
phénoménales », elle se définit alors « par un système de croyances et de pensées
articulées à un système d'actions coordonnées selon des règles »26
.
Ces règles forment un ordre social, parallèle à l'ordre juridique étatique, qui
s'exprime spécifiquement au sein de la société - c'est pourquoi on peut parler
« d'ordre sociétal ». Si, a priori, ces exigences ne sont pas sanctionnées par les
autorités publiques, elles font cependant l'objet d'un contrôle social27
organisé par
20. DUMONT (L.), Essais sur l'individualisme. Une perspective anthropologique sur l'idéologie
moderne, Paris, Éditions du Seuil, 1983, 320 p.
21. Ce point fera l'objet de plus amples développements dans le corps de cette étude.
22. KARSENTI (B.), « La naissance de la sociologie et ses effets dans la pensée du droit »,
23. SAINT-BONNET (F.), « La liberté des modernes et la partition de l'espace », Droits &
Philosophie, Annuaire de l'institut Villey, vol. 7, Paris, Dalloz, Décembre 2015.
24. HEGEL, Principes de la philosophie du droit, VEILLARD-BARON (J.-L.) (trad.), Paris, GF
Flammarion, 1999, 448 p.
25. SAINT-BONNET (F.), « Apprivoiser la manifestation. Du droit de résistance à la liberté
d'expression », Jus Politicum, n° 17, 2017.
26. KARSENTI (B.), « La naissance de la sociologie et ses effets dans la pensée du droit »,
op. cit., p. 26.
27. BELLEY (J.-G.), « Contrôle social », ARNAUD (A.-J.) (dir.), Dictionnaire encyclopédique de
théorie et de sociologie du droit, Paris, LGDJ, 1988, p. 71-75.
JOUANJAN (O.) et ZOLER (E.) (dir.), Le « moment 1900 », Paris, Éditions Panthéon-Assas, 2015,
p. 25.
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