Droit des affaires - Compétence et exécution des jugements en Europe - 7e - 244

244 COMPÉTENCE ET EXÉCUTION DESJUGEMENTS EN EUROPE
Un arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2012 (Banque
E. deRothschild)182 avait mis en évidence les difficultés engendrées par ce
type de clause : un particulier domicilié à Paris avait placé 1 700 000 euros
dans une banque ayant son siège au Luxembourg. Le contrat contenait une
clause attribuant, pour les litiges entre le client et la banque, compétence
exclusive aux tribunaux luxembourgeois ; mais la clause ajoutait que la
banque « se réservait le droit d'agir au domicile du client ou devant tout
autre tribunal compétent à défaut de l'élection dejuridiction qui précède ».
Le client, estimant que la banque n'avait pas bien géré son placement, l'assigna
devant le tribunal de grande instance de Paris. La banque souleva une
exception d'incompétence motif pris de la clause attributive de juridiction.
Les juges du fond, puis la Cour de cassation rejetèrent cette exception,
considérant que la clause ne liait en réalité que le client, qu'elle avait un
« caractère potestatif» à l'égard de la banque, et était donc contraire « à
l'objet et à la finalité de la prorogation de compétence ouverte par l'article
23 du règlement Bruxelles I ». Cet arrêt qui approuvait les juges du
fond d'avoir réputé la clause « non écrite » avait été diversement apprécié.
De fait, la solution n'est pas à l'abri de la critique183 : on ne voit pas pourquoi
une clause serait réputée non écrite au seul motif qu'elle avantage
l'une des parties184 ;et l'arrêt Anterist (cité supra) avait admis l'existence de
clauses qui « tout en précisant devant quels tribunaux chacune des parties
doit attraire l'autre, donnent à l'une d'elles un plus grand choix dejuridictions
». L'arrêt du 26 septembre 2012 fondait sa solution sur le caractère
potestatif de la clause qui serait contraire à l'objet et à la finalité de la
prorogation de compétence prévue par le règlement Bruxelles I. L'argument
tiré du caractère potestatif de la clause est discutable et il conviendra
de se reporter à la note de D. Bureau à ce sujet qui développe l'idée selon
laquelle la « référence à la potestativité semble pourtant bien
incertaine »185.Et l'invocation de l'objet de la finalité de l'article 23 ne
convainc pas : certes, l'article 23 cherche à assurer la prévisibilité dans les
182. Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, nº 11-26022 ; D. 2012, 876, note D. Martel ; JCP 2013, 105, note
L. Degos et D. Akchoti ; Rev. crit. DIP 2013, p. 256, note D. Bureau ; JDI 2013, p. 175, note
C. Brière ; RDC2013, p. 565, obs. J. Klein et p. 661, obs. J.-B. Racine ; JCP2012, 1065, veille par
E. Cornut ; M.-É. Ancel, L. Marion et L. Wynaendts, Banque & Droit, no
148, mars-avr. 2013,
p. 3 et s. ; T. Rouhette et C. Coslin, « La remise en cause des clauses d'élection de for stipulées
dans l'intérêt d'une partie », Paris International Litigation, Bull. no
14-25054.
5, oct. 2013. Et de façon
générale, v. in Jurisdictional Choices in Times of Trouble, ICC, 2015, préc. spéc. les
art. de M. Scherer, p. 10, A. Asokov, p. 55 et M.-É. Ancel, p. 64. Dans le même sens que l'arrêt
Banque Rothschild, CA Paris, 24 mars 2015, no
183. V. en particulier la note de D. Bureau préc. note précédente.
184. Sur la validité d'une clause d'attribution réciproque de compétence aux tribunaux du défendeur,
v. supra no
148 et l'arrêt CJCE, 9 nov. 1978, aff. 23/78, Meeth c. Glacetal.
185. Note préc spéc. p. 263-264 ; addeJ. Klein, obs. préc. qui parle du « mauvais usage » en l'espèce
du concept de potestativité ; V. aussi J.-B. Racine, obs. préc. p. 665 : « La clause d'élection de
http://www.185.Et
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