Les Intégrales - Leçons pratiques de droit des contrats - 2e - 307

Cha p i t r e 9 - L e s e f f et s du con t r at à l ' é gard des t i er s
au créancier saisissant le droit de préférence d'un créancier gagiste (CPC exéc., art.
L. 523-1).
376 Absence de dessaisissement du débiteur intermédiaire. Le débiteur intermédiaire ne
voit pas sa liberté dégradée par l'exercice par son créancier d'une action oblique. Il peut
lui-même réclamer le paiement de sa créance contre son débiteur défendant à l'action
oblique, la céder à un tiers, y renoncer ou transiger127
. Si, ce faisant, le débiteur intermédiaire
commettait une fraude aux droits du créancier agissant sur le fondement de
l'action oblique, une action paulienne pourrait alors être exercée128
.
377 Absence de véritable atteinte au principe de l'effet relatif. En fin de compte, l'action
oblique n'est pas, pour deux raisons, une véritable exception à l'effet relatif du contrat.
D'une part, et à la différence de l'action directe, l'auteur de l'action n'agit pas pour son
compte, mais pour le compte de son débiteur,qu'il représente129
. De fait, le produit de
l'action est reversé au débiteur intermédiaire et non à celui qui a intenté l'action et le
défendeur, débiteur du débiteur intermédiaire, peut opposer au demandeur tous les
moyens de défense qu'il pourrait opposer à son propre débiteur, le débiteur
intermédiaire130
- la situation du défendeur poursuivi ne saurait être aggravée lorsqu'il
défend à une action oblique. D'autre part, l'action oblique permet à un créancier d'exercer
tous les droits de son débiteur, qu'ils aient ou non une origine contractuelle131
.
2 - Le porte-fort
378 Intérêt de l'institution ? Dans une disposition dont on peut penser qu'elle n'ajoute, en
substance, pas grand-chose aux principes qui régissent le droit des contrats, le Code civil
prévoit qu'on « peut se porter fort en promettant le fait d'un tiers » (art. 1204 al. 1). Cela
ne va-t-il pas sans dire ? Et n'en va-t-il pas de même de la précision suivant laquelle le
promettant « est libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis » de même
(127) Cass. req., 18 févr. 1862, DP1862, 1, p. 248 : « si, en vertu de l'ancien article 1166 C. nap., les créanciers
peuvent exercer les droits et actions de leur débiteur, il n'en résulte pas que la loi leur accorde une mainmise sur
ces droits ; (...) celui-ci n'en conserve pas moins la libre disposition ; (...) il peut en user comme bon lui semble et
même y renoncer, pourvu qu'il ne fasse aucun acte en fraude des droits de ses créanciers », au sujet d'une transaction.
(128)
CA Versailles, 29 nov. 1990, RTDciv. 1991, p. 739, obs. J. MESTRE : « si un créancier ne peut engager une même
action sur le double fondement simultané de l'action oblique - dans laquelle il exerce les droits négligés de son
débiteur - et de l'action paulienne - dans laquelle il agit contre la fraude de son débiteur - il peut toujours en
défense à un moyen tiré d'un acte qui ferait obstacle à l'efficacité de son action oblique, invoquer contre cet acte
la fraude paulienne qui aurait pour effet de lui rendre inopposable ledit acte et, partant, de restituer à son action
oblique toute son efficacité ».
Comp. Cass. 1re
civ., 25 févr. 1986, nº 84-13738 : les juges du fond ont déclaré à juste titre que « dans une
instance introduite sur le fondement des articles 1166 et 815-17, alinéa 3 du Code civil, où le créancier exerce les
droits de son débiteur, la fraude paulienne ne peut être invoquée par le premier, son ayant cause, pour faire
annuler l'acte qui faisait obstacle à sa demande ». Mais, comme on l'a relevé, une telle formule « ne peut concerner
des conventions qui seraient entachées d'une fraude à l'encontre du créancier en vue précisément de faire obstacle
àl'exercice de l'action oblique ou de la priver de son utilité. Il n'y a pas dans ce cas incompatibilité entre l'action
paulienne et l'action oblique. Le Code civil lui-même en donne un exemple à propos de la renonciation à une
succession, faite pour porter préjudice aux créanciers du renonçant : l'article 788 permet alors aux créanciers de
démontrer la fraude et de faire annuler la renonciation en leur faveur à concurrence de leur créance et de se faire
autoriser en justice à accepter la succession du chef du débiteur en son lieu et place. L'action paulienne peut donc
être le préalable nécessaire de l'exercice de l'action oblique » (J. PATARIN, obs. ss l'arrêt in RTDciv. 1987, p. 135).
(129) Si le projet d'ordonnance prévoyait que l'auteur de l'action agissait « au nom » du débiteur, l'ordonnance n'y fait
plus mention. Probablement faut-il y voir le signe, qu'en dehors des hypothèses spéciales de représentation légale
ou judiciaire, il est curieux qu'une personne agisse au nom d'autrui alors que ce dernier n'y a pas consenti. Il faut
donc considérer que l'auteur de l'action agit comme un représentant imparfait (v. supra, nº 213).
civ., 1er
(130) Cass. 3e
(131) Cass. 1re
mars 2006, nº 05-11522, Bull. civ. III, nº 51 : prescription ; Cass. 1re
civ., 25 mai 2005, nº 04-11622, Bull. civ. I, nº 225 : au titre de son recours avant paiement, la caution
peut intenter l'action oblique contre l'assureur du débiteur ; Cass. soc., 27 nov. 1969, Bull. civ. V, nº 650 : le
concubin ayant acquitté les frais d'obsèques de sa concubine est créancier de la succession de cette dernière à qui
ils incombaient. Il est donc fondé à exercer les droits que les héritiers de la défunte ont négligé de faire valoir à
l'égard de la caisse régionale de sécurité sociale pour le paiement des arrérages de la pension de vieillesse perçue
par elle qui demeuraient dus à son décès et à obtenir de la caisse, par imputation sur ces arrérages, le
remboursement des frais d'obsèques.
307
civ., 12 oct. 1982, nº 8114844,
Bull. civ. I, nº 284 : « vu les [anciens] articles 1166 et 1321 du Code civil, attendu qu'il résulte de la
combinaison de ces textes qu'en cas de simulation la contre-lettre est opposable aux créanciers du souscripteur
qui, agissant par la voie oblique, avaient tous les droits et actions de son débiteur ».

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