Les Intégrales - Leçons pratiques de droit des contrats - 2e - 433

Cha p i t r e 12 - L a f induco n t r a t
Cette règle doit toutefois être mise en perspective avec deux dispositions : l'une, issue de
la réforme de 2016, du droit des restitutions et l'autre, classique, relevant du droit des
biens.
En vertu de la première règle, celui « qui a reçu de mauvaise foi doit (...) les fruits qu'il a
perçus ou la valeur de la jouissance à compter du paiement »208
reçu de bonne foi ne les doit qu'à compter du jour de la demande »209
alors que celui « qui a
. Le débiteur de
bonne foi ne sera donc tenu de la restitution pour la jouissance de la chose que de
manière très marginale, car il n'y est obligé qu'à compter de la demande de restitution
qui lui est faite. En définitive, la nouveauté de la réforme est de faible portée en pratique.
En vertu de la seconde règle, celui qui a « possédé » de bonne foi fait siens les fruits et se
trouve dispensé par là même de les restituer210
. Cette règle, figurant parmi les dispositions
de droit des biens, était à l'origine conçue comme une protection offerte à celui
qui avait acquis un bien auprès d'une personne et en avait perdu la propriété à la suite
de l'action en revendication exercée par un tiers. La jurisprudence en fit également bénéficier
celui qui avait acquis un bien auprès d'un autre mais en avait perdu la propriété à
la suite d'un anéantissement du contrat, ce qui conduisait à faire de l'article 549 une
disposition régissant les restitutions en matière contractuelle211
. Dans un cas comme
dans l'autre, l'idée est la même : celui qui ignore la menace qui pèse sur sa qualité de
propriétaire doit pouvoir compter sur les fruits et le cas échéant les consommer. Sur le
fondement de cette disposition, la Cour de cassation décidait traditionnellement qu'une
partie à un contrat rétroactivement anéanti devait être considérée comme étant de
mauvaise foi à compter de la demande en justice tendant à la résolution ou à l'annulation
de la vente212
, de quoi il découlait, par exemple, que lorsque la vente d'un bien loué était
.L'agencement de l'article 549, suivant lequel on doit restitution des fruits
annulée, les loyers versés à l'acquéreur à compter de l'assignation devaient être restitués
au vendeur213
à compter de la demande en annulation ou résolution avec celle de l'article 1352-7,
suivant lequel on doit restitution des fruits à compter de la demande en restitution du
bien, suscite les plus grandes difficultés !
(208) Comprenons : à compter de l'exécution du contrat, souvent le jour de sa conclusion.
(209) Art. 1352-7. C'est le jour de l'assignation qui est visé. V. Cass. 3e
civ., 13 juill. 2016, no
14-26958, pub. Bull.:
« pour condamner Mme X... à verser à la société Jalym la somme de 48 300 euros, à parfaire, au titre de la restitution
des loyers perçus sur l'appartement T3 à partir du 1er janvier 2007, l'arrêt retient que les loyers constituent
des fruits, simples accessoires de la chose, et que la résolution de la vente a été prononcée aux torts exclusifs de
Mme X... qui ne peut, dès lors, être considérée comme de bonne foi au sens [de l'article 549] ; en statuant ainsi,
par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la connaissance du vice par Mme X... avant son assignation en
justice, la cour d'appel a violé [les articles 549 et 550] ». Adde, au sujet de l'ancien article 1178 relatif au paiement
de l'indu (« S'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui a reçu, il est tenu de restituer, tant le capital que
les intérêts ou les fruits, du jour du paiement. »), Cass. 1re
civ., 4 oct. 1988, B. 273 : « après avoir prononcé la
nullité de la vente pour erreur sur une qualité substantielle de la chose, la cour d'appel a assorti la condamnation
au remboursement de la somme de 90 220 francs " des intérêts à compter du 19 septembre 1979, jour du versement
de cette somme, et ce, au besoin, à titre de supplément de dommages-intérêts " ; (...) en faisant courir les
intérêts moratoires à compter du versement de la somme et non du jour de la demande en justice équivalant à la
sommation de payer sans rechercher si le débiteur était de bonne ou de mauvaise foi, la cour d'appel n'a pas
donné de base légale à sa décision au regard des [anciens articles 1153 et 1178] ».
(210) Art. 549 : « Le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. Dans le cas
contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique ; si lesdits produits ne
se retrouvent pas en nature, leur valeur est estimée à la date du remboursement. » et v. Cass. com., 2 févr. 2016,
nº 14-19278 : il résulte des articles 549 et 550 que « si la restitution consécutive à l'annulation d'une cession de
droits sociaux a lieu en valeur, cette circonstance ne fait pas obstacle à la restitution au cédant des fruits produits
par les parts sociales litigieuses, à condition qu'ils aient été perçus en connaissance du vice affectant l'acte annulé
par celui qui est tenu à restitution ».
(211) Cass. civ., 21 déc. 1903, DP 1908, 1, p. 377.
(212) Cass. 3e
civ., 27 nov. 2002, Bull. civ. III, nº 244 : « à compter de la demande en justice tendant à la résolution de la
vente, le possesseur ne peut invoquer la bonne foi » ; Cass. 1re
civ., 19 avr. 1977, Bull. civ. I, nº 176 : « si la
rescision d'un partage pour cause de lésion efface en principe rétroactivement les attributions résultant du partage,
l'héritier peut cependant conserver les fruits des biens a lui attribues qu'il a perçus de bonne foi jusqu'au jour de la
demande en rescision ». Adde Cass. 3e
restituer les fruits au propriétaire qui revendique la chose à compter de la demande » ; Cass. 3e
nº 94-17212 : même formule.
(213) Cass. 3e civ., 1er
lation émane d'un tiers au contrat de vente.
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civ., 28 juin 1983, Bull. civ. III, nº 148 : « le possesseur de bonne foi doit
civ., 11 juin 1996,
oct. 2020, nº 19-20737 : l'arrêt précise qu'il indifférent que la demande en résolution ou en annu

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